Survivre jusqu’à demain de Brigitte Jobin

gebe
17 mai 2022

Survivre jusqu’à demain de Brigitte Jobin

gebe
17 mai 2022

chronique

Survivre jusqu’à demain de Brigitte Jobin

Rédaction : Karine Riley Abran
Partager sur Facebook:

survivre-jusqua-demain-livre-brigitte-jobinAvant de commencer officiellement mon avis, je tiens tout d’abord à vous dire que j’ai essayé du mieux que je peux de garder mes émotions au « neutre ». Pourquoi ? Tout simplement pour vous montrer à quel point ce livre est formidable, magnifique malgré la thématique dont il parle, et surtout, par respect pour tout le travail et le courage de Brigitte Jobin.

« J’affirmais même que moi, si ça m’arrivait, je partirais au premier coup. Si seulement j’avais su… Les choses ne sont pas si simples, même dans l’évidence. » _ Brigitte Jobin.

Quand j’ai commencé cette lecture, je savais qu’elle me percuterait de plein fouet. À de nombreuses reprises, j’ai dû prendre le contrôle de mes émotions pour ne pas me laisser envahir par toute cette tristesse, cette compassion et cette rage qui vibrait en moi. Je ne voulais pas que le témoignage de l’auteure en soi touché. Je désirais, plus que tout, lire son récit avec le plus d’écoute possible, et ce, en faisant fi de mes propres émotions pour mieux comprendre son vécu.

Cependant, j’avoue avoir éprouvé beaucoup de difficultés à rester ainsi maître de moi-même. La durée de l’horreur, les sévices subis par cette femme ont été très difficiles à lire et à imaginer. Mais c’est surtout lorsque l’on prend pleinement conscience de la réalité de ces horreurs. Réaliser qu’elle a dû affronter ça pendant tout ce temps sans jamais ne pouvoir se confier à personne a été horrifique. J’ai l’habitude de lire de l’horreur, mais honnêtement, je suis toujours surpris à quel point l’humain peut être aussi monstrueux et aussi bas que ça parfois.

Encore après quelques jours suite à ma lecture, je ne peux pas m’empêcher de me questionner comme l’a fait Brigitte Jobin sur son bourreau. Comment a-t-il pu arriver à ce stade ? Comment a-t-il pu être aussi monstrueux ? Comment peut-il être aussi narcissique, aussi privé d’humanité ? Et d’une certaine façon, comme elle, j’aurai aimé comprendre. J’aurai aimé apprendre d’où cette violence, cet abus a pu provenir. Un enfant ne peut quand même pas naître aussi démoniaque, non ? Il doit bien y avoir eu un élément déclencheur, non ? Face à de telles atrocités, le cerveau n’est pas dans la capacité de comprendre une telle lâcheté de la part d’un autre « humain ». Je savais que certains pouvaient être des monstres, mais ce bourreau a été l’un des pires que j’aie entendu parler de toute ma vie, je dois l’avouer.

En commençant ma lecture, je me suis promis de ne jamais juger l’auteure. Déjà, à la base, je ne suis pas quelqu’un qui juge les gens. Bien que je ne sois pas parfait, j’ai toujours l’esprit ouvert à la réalité des autres, à leur façon de penser et d’agir. Mais ici, je trouvais cela encore plus important. Et honnêtement, je crois que tous ceux qui voudront lire son récit devraient le commencer dans la même mentalité.

Comme le cite Brigitte Jobin plus haut, il n’est pas aussi facile de savoir comment l’on réagirait face à une situation de violence. Surtout que l’on a beau être le plus préparer mentalement possible, avoir un caractère fort et assumé… La manipulation du bourreau auprès de ses victimes est souvent inusitée et vicieuse. Ce sont des monstres qui arrivent à se faufiler à travers nous-mêmes. Ils découvrent nos failles, même celles qui sont les mieux cacher et que nous étions nous-mêmes pas au courant qu’ils existaient en nous. Et une fois ceux-ci atteints, ils en abusent lentement, de façon méthodique pour que cela ne paraisse pas. Et sans nous en rendre compte, nous sommes sous leur emprise. Une emprise déstabilisante, humiliante, violente, mais surtout, effrayante.

À travers le récit de l’auteure, j’ai été émue par le fait qu’elle démontre parfaitement les pensées d’une survivante de la violence conjugale. Trop souvent, les gens ont tendance à demander « Pourquoi tu n’es pas partie plus tôt ? », mais trop souvent, ils ne réalisent pas à quel point cela est difficile. Il ne s’agit pas d’une décision que l’on peut prendre du jour au lendemain. Il faut littéralement tout un processus avant d’arriver à cette conclusion que l’on n’en peut plus. Même si l’on forçait les survivantes à chercher à se sortir de l’emprise de leur bourreau, cela ne fonctionnerait pas. Tant que l’idée ne vient pas d’eux-mêmes, il est impossible de briser cette emprise tant la peur a planté ses griffes si profondément dans leur âme.

Bien que cela me peine encore de me dire que ce roman existe, car cela veut dire qu’elle a traversé toutes ces épreuves dévastatrices, je ne peux m’empêcher d’en être heureuse dans un certain sens. La thématique de la violence conjugale, qu’elle soit subie par une femme ou un homme, m’a toujours été très personnellement importante. J’ai toujours éprouvé un désir de faire connaître ce danger, de montrer combien il peut détruire la vie de nombreuses personnes, et non seulement celui qui en est la victime. Ainsi, dans un certain sens, c’est un tellement grand plaisir de voir ce livre voir le jour, car il pourra faire prendre conscience des nombreuses conséquences de cette violence. Malheureusement, la société a encore beaucoup trop besoin de récit de genre pour réussir à sensibiliser les gens, et surtout, à les mettre sur leur garde.

Honnêtement, j’éprouve un tel respect, une telle admiration et une profonde compassion pour Brigitte Jobin. Je n’arrive pas à comprendre de quelle façon elle a réussi à s’en sortir de toute cette violence. Je n’ose même pas imaginer toutes les cicatrices physiques et psychologiques qu’elle doit encore aujourd’hui assumer, et même panser. Mais malgré tout, mon admiration pour elle n’a pas cessé de grandir chaque seconde que je passais dans son récit. Le fait qu’elle n’ait jamais abandonné, qu’elle s’est battue jour après jour pour sa survie, et que même après, elle a continué à vouloir se battre non pas seulement pour elle, mais pour éviter que d’autres femmes tombe sous le courroux de son bourreau a été un exploit marquant pour moi. Pour moi, ce n’est ni une victime ni une survivante. Elle n’est nulle autre, tout comme toutes les personnes qui ont subi des violences quelle qu’elle soit, une combattante hors pair.

Cette femme possède un courage dont je n’ai même pas les mots exacts. Sa bonté d’âme aura été dévastatrice pour elle, mais malgré toutes les horreurs vécues, son bourreau de monstre ne sera jamais arrivé à briser. Elle est une combattante que tous devraient prendre en exemple. Elle est la preuve vivante que l’on peut se sortir de la violence conjugale, et surtout, que l’on peut réapprendre à vivre, et à aimer même après cela.

Pour moi, Brigitte Jobin sera un nom qui restera toujours marqué dans mon cœur et ma tête. Il est certain que je continuerai jour après jour de recommander son livre. Il est, à mon pur avis, un livre que tous devraient lire. Bien qu’il soit difficile à lire, son récit devrait être découvert et pris en considération. Non seulement elle montre les difficultés, les risques et les émotions que peuvent vivre des personnes ayant subi de la violence conjugale, mais aussi, elle démontre parfaitement les deux côtés de la médaille de la justice.

À travers son récit, on remarque parfaitement qu’il y a eu un grand manque de travail de la part des agentes de corrections. Mais surtout, que la réhabilitation n’est malheureusement pas faite pour tous, surtout lorsque la société ne possède aucune protection contre ces personnes. À de nombreuses reprises, j’ai eu envie de hurler ma rage, de balancer le livre et d’aller prendre dans mes bras cette chère combattante pour lui montrer toute mon empathie et ma compassion à cause du comportement de certains incompétents. Mais elle démontre aussi comment la justice n’est pas seulement faite de personnes incompétentes et sans aucune logique. Que ce soit le premier policier qui vient prendre sa déclaration, que les enquêtrices qui viennent la soutenir pendante tout le long du processus judiciaire que les deux procureures qui se sont battues de toute leur force pour elle, pour faire entendre sa voix et son récit … Toutes ces personnes montrent que le système judiciaire n’est pas seulement rempli d’incompétents, mais qu’il y a aussi des humains derrière les badges et les uniformes.

Sincèrement, ce livre a simplement été percutant. En écrivant ses lignes, les larmes coulent sur mes joues devant la force de son caractère, de son désir de vivre et de la combativité dont a fait preuve Brigitte. J’ose sincèrement espérer que Survivre jusqu’à demain arrivera aux oreilles des bonnes personnes. Que les gens oseront lire son récit, oseront affronter à leur tour leur propre monstre.

Très honnêtement, je rêve que ce roman soit le dernier sur la violence conjugale, simplement pour que celle-ci s’arrête pour de bons. Pour que les personnes comprennent l’importance de leur vie et qu’ils dénoncent leur bourreau sans avoir peur pour leur vie, car ils seront appuyés, aimés et soutenus. J’ose rêver que ce livre pourra avoir une importance de conséquence sur notre société.

Même si ce livre n’est normalement pas le genre dont vous seriez du genre à lire, je vous le recommande fortement. Qui sait, peut-être un jour cela pourrait être vous ? Peut-être sans le savoir, vos proches peuvent subir ce que Brigitte a subi ? Peut-être que cette lecture vous permettra de tendre la main à une personne violentée ? Malheureusement, personne ne pourra faire un changement sans oser en parler. Et c’est ce que Brigitte a fait : elle a utilisée de nouveau sa voix, sa plume et son vécu pour faire prendre conscience.

Si je n’avais qu’une seule chose à dire à cette femme combattante, ce serait ceci : Merci. Merci pour ton courage, merci pour ta combativité, merci pour ta dénonciation, merci pour avoir fait entendre ta voix, et surtout, merci de ne jamais avoir abandonnée. Merci pour toutes ces personnes que l’on a rendu muet à tout jamais. Merci d’être une survivante de la violence conjugale et d’oser élever ta voix pour faire entendre cette cause si importante. Milles mercis.

 

Autres suggestions des lectures de Riley : 

Pardonne-Moi de Mylène Bossé

Persécutée, Jugée de Nancy St-Laurent

Trop Plein de Martin Talbot

Nympho de Dïana Bélice

(cliquer sur le titre pour consulter)

cool good eh love2 cute confused notgood numb disgusting fail