S’évader, ou franchir les limites du rêve
MONTRÉAL | AVRIL 2019
Stéphanie Sylvain et Withney St-Onge B. se connaissent depuis 2006. Liées par leur passion commune pour la littérature québécoise, la fantasy/science-fiction et la culture japonaise, elles ont aussi coopéré sur de nombreux projets : participation à des comités de lecture et à des marathons d’écriture, rédaction de chroniques littéraires pour leur blogue Filles de joual, etc. Récemment, un nouvel événement est venu souder l’amitié de celles qui se considèrent comme des « plumes-sœurs » : la publication de leur roman Déviance (Éditions ADA), un thriller dystopique écrit à quatre mains. Un projet ambitieux qui leur a permis de fusionner leurs imaginaires respectifs.
« L’idée de départ de Déviance est venue d’une toute petite nouvelle que j’avais écrite », explique Stéphanie. « À sa lecture, Withney y a tout de suite perçu un potentiel immense et m’a proposé d’en faire un roman complet. » Un défi qui était de taille, et ce, même pour Stéphanie qui écrivait en parallèle ses deux premiers romans (Les Gokans [Pratiko, 2011] et Le roi des ombres [NumérikLivres, 2018]) : « Écrire à deux est une expérience totalement différente. Alors que d’habitude je ne montre jamais un texte avant d’être certaine de l’avoir bien étoffé, Withney et moi étions dans l’obligation de tout nous dévoiler au premier jet. Ce fut une expérience un peu terrifiante au début, mais on ne peut plus enrichissante. » C’est aussi pourquoi elles ont opté pour un roman choral : cette forme leur permettait de prendre en charge des narrateurs différents et de se répartir les chapitres en fonction de la présence de ceux-ci. Malgré cela, il leur a fallu beaucoup de planification afin de s’assurer d’avancer dans la même direction et de bien marier leurs styles. « Aujourd’hui, je ne pourrais plus dire si une phrase de Déviance a été écrite par moi ou Withney. On peut véritablement dire que ce roman est le fruit de nos esprits fusionnés. »
Bien que leurs imaginaires soient semblables, l’écriture répond à des besoins différents chez les deux autrices. Pour Stéphanie, il s’agit d’abord d’une échappatoire : « Depuis que je suis petite, j’écris pour sortir de mon quotidien banal. Plus que tout, je veux créer des univers, des atmosphères, des personnages le plus éloignés de moi possible. La littérature de l’imaginaire est ce moyen que j’ai trouvé pour m’évader. » Pour Withney, il s’agit moins de fuir une réalité monotone que de s’offrir un moment de solitude et de calme : « L’écriture me permet de m’isoler, moi qui suis normalement entourée de plein de gens par ma personnalité sociale et par la nature de mon métier de travailleuse sociale. L’écriture me permet de me défouler, de me déstresser et de relâcher mes plus sombres folies. » Ceci dit, dans un cas comme dans l’autre, il est indéniable que la littérature occupe une grande place dans leur quotidien, qu’il s’agisse d’écriture ou de lecture. « Je préfère l’écriture à la lecture », précise Withney, « mais en même temps, c’est le fait de lire qui me permet d’écrire ; on ne peut pas écrire sans lire. »
En effet, que ce soit pour trouver de l’inspiration pour écrire ou simplement pour ajouter du contenu à leur blogue littéraire Filles de joual, il est certain qu’elles lisent toutes les deux le plus souvent possible. À ce titre, elles reconnaissent que le travail d’analyse critique que demande leur blogue leur a été très formateur : « Lire permet de faire bouillir les idées, mais aussi, d’apprendre quels mots « sonnent » bien ensemble, quelles structures de phrases sont plus percutantes, par exemple. La structure d’un récit, le développement des personnages et l’utilisation de différents types de narrateurs sont toutes des choses qui s’apprennent plus facilement par la lecture que par un guide didactique rédigé à l’intention des écrivains. » Elles disent par exemple avoir été inspirées par des écrivain·es comme Élisabeth Vonarburg, Lois Lowry, Amélie Nothomb, Jonathan Reynolds, Carl Rocheleau, LP Sicard ou Patrick Senécal, dont les univers littéraires s’apparentent aux leurs. « Si j’avais un seul « super pouvoir » à choisir dans la vie », ajoute Withney, « ce serait celui de pouvoir arrêter le temps pour lire et écrire. » Un souhait que partage son amie, et qui ne fait que confirmer l’indéniable passion qu’elles ont pour leur art.
Pour en savoir plus sur les publications de Stéphanie et Withney, visitez leur page Facebook ou leur blogue fillesdejoual.com.