Révéler les talents et avoir le pied à l’étrier
LA MALBAIE | AVRIL 2019
Dans l’arrière-pays de Charlevoix, une flamboyante artiste équestre forme des danseurs étoiles, des chevaux et des poneys desquels elle a su faire émerger les talents. Dans le silence des montagnes, ses dialogues instinctifs avec ses partenaires de scène construisent de grands rêves créatifs où tout un chacun est mis de l’avant.
Les parades, les personnages mythiques, les animaux, les acrobates qui dansent l’adagio et les chevaux en cabrade, tous sous le chapiteau à créer des chimères d’enfance. Dans la France natale de Frédérique, le cirque cavale d’un village à l’autre. Ce petit milieu fermé d’artistes nomades difficile à percer la fait déjà rêver et sème quelque chose en elle. À l’époque, elle ne connait pas encore les chemins qu’elle devra battre pour changer cette fatalité en réalité accessible, mais la ligne est tracée. D’une idée à sa réalisation, tout est à construire.
« Partir de rien, c’est l’histoire de ma vie! »
À 12 ans, Frédérique monte les chevaux couramment et grappille déjà, par tous les moyens, des sous pour acquérir Pascaline, sa première ponette – mission qu’elle accomplit avec succès. Construire une relation avec la bête n’est pas évident. Sitôt que la jeune Frédérique s’installe en selle pour quitter seule la ferme, Pascaline monte sur ses pattes arrière et fait demi-tour. Après une année entière passée à l’écurie, grâce à la persévérance et la complicité, les deux partenaires s’apprivoisent enfin et tracent la route ensemble.
Même audace dix ans plus tard lorsqu’elle décide de tenter sa chance au Québec, alors poussée par le désir de recommencer sa vie sans racines, sans relations, sans bases. Suite à ses études en arts plastiques et sa formation d’instructrice d’équitation spécialisée en concours complet, elle migre dans la province et bosse pour différents établissements de tourisme équestre. D’un enclos de fortune qu’elle a construit pour ses trois chevaux sur le terrain d’une auberge de la région charlevoisienne, elle acquiert ensuite rapidement une propriété et y établit sa propre école d’enseignement; « Le poney danseur ».
L’indicible inconfort du quotidien
Frédérique se sent souvent à côté de la « track », dans la gravelle, à ouvrir de nouveaux chemins. Malgré les spectacles réalisés avec les élèves de son école et l’introduction des randonnées équestres de compétition et des Poney clubs au Québec, le besoin de nouveaux projets crépite toujours en elle. L’abrutissement et l’objectivation des chevaux via le tourisme équestre étant devenu de plus en plus difficile pour elle à observer chez ses partenaires, elle pressent qu’il lui faudra changer de stratégie pour atteindre ses intentions créatives.
Yoda, poney étalon et enfant terrible, débarque alors dans sa vie et lui révèle ses qualités de dresseuse, tandis qu’il dévoile par la même occasion ses talents de danseur. Ensemble, dans une relation mutuelle d’apprentissage, ils créent un premier spectacle qui sera un déclencheur dans la trajectoire artistique et le déploiement de la vision que Frédérique souhaite transmettre via ses enseignements; celle de l’écoute, de la délicatesse et de la valorisation des talents des artistes, qu’ils soient humains ou animaux. Forts de cet accompagnement mutuel, Yoda et Frédérique intègrent ensuite une troupe de cirque, la Luna Caballera, et goûtent enfin aux plaisirs ludiques et nomades de cet univers. Ils ont ensuite créé en solo plusieurs spectacles, dont « Cabrioles », qui a été présenté durant trois saisons estivales au Saguenay.
Dans la démarche artistique de Frédérique, Yoda, Ménélik, Vibrante, Rex et tous ses autres chevaux, sont traités comme des individus à part entière, avec leur personnalité, leurs forces, leurs envies et leurs limites individuelles. Ce sont eux qui inspirent les tableaux et les numéros grâce à la révélation de leurs talents. « Ce sont des artistes, ils sentent le bonheur et le plaisir qu’ils engendrent et on peut réellement lire leur fierté lors des spectacles. Plus on les écoute, plus ils s’expriment.». Philosophie qu’elle applique non seulement en équitation, mais aussi pour dresser Idéfix, Chouchoute et Farfelu, les cochons agiles et le chien-acrobate qui, eux aussi, participent aux représentations.
EKASRINGA – le cirque parti de zéro
En 2012, les étoiles s’alignent et provoquent, par la rencontre et la passion, la création de la Coopérative EKASRINGA – cirque équestre. À bride abattue, en quelques mois à peine, les membres fondateurs créent leur tout premier spectacle : Mirabilia. De l’idée à la première représentation, des heures incalculables de travaux, de recherches, d’achats et de pratiques sont réalisées, concrétisant ainsi leur belle folie collective.
L’année suivante, ils récidivent avec « Vie de cirque » où ils exposent les dessous, beaux et laids, de ce mode de vie qu’ils incarnent. La même année, le spectacle « Gigantesque », fresque représentant la métaphore du grand en soi, est présenté au Canyon Sainte-Anne.
Suivent ensuite les spectacles « La bonne aventure », ode sur l’illusoire facette des rêves d’enfance, et « Planète, quel cirque! », qui lui, dépeint les dérapages de notre société de consommation.
En six années seulement, EKASRINGA a créé cinq œuvres collectives et professionnelles, sous la direction artistique de Frédérique et la mise en scène d’Émilie Gilbert-Gagnon. Plus d’une trentaine de membres et d’artistes y sont mobilisés et ont su, à travers la révélation et le métissage de leurs talents, ouvrir les discussions et les esprits sur des sujets parfois délicats.
Surtout, et cela tient à cœur à Frédérique, le cirque aura permis d’ouvrir le monde équestre aux élans créatifs et ludiques propres à cet univers, qui maintenant, est sien.
RÉALISATIONS et CORÉALISATIONS DE FRÉDÉRIQUE FOIRET
Cabrioles
Mirabilia
Gigantesque
Vie de cirque
La bonne aventure
Planète, quel cirque!
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