Qu’est-ce qu’un artiste? Telle est la question!
DRUMMONDVILLE | MAI 2014
Laurence N. Béland en a visité des salles de diffusion. Sa feuille de route compte 8 expositions solos, 1 résidence d’artiste, 1 exposition en duo et 21 expositions collectives. Pas mal pour une artiste de 25 ans!
Son parcours peut sembler surprenant, mais en survolant sa démarche, on comprend que sa production occupe beaucoup de place dans sa vie. De fait, l’artiste interroge, à travers diverses interventions contextuelles et installations conceptuelles, la fabrication de la figure de l’artiste. Un questionnement sur son propre milieu, donc, qui interpelle aussi le lecteur de l’œuvre en l’amenant à renégocier sa relation avec les conventions de diffusion.
Dans le cas de Laurence, l’intérêt pour les arts visuels est arrivé avec les études supérieures. « Je me suis inscrite un peu par hasard dans un programme d’arts au cégep, raconte-t-elle. J’ai rencontré Claudine Brouillard et des gens comme elle qui m’ont fait connaître et apprécier les arts visuels. Mais c’est davantage à l’UQAM, au baccalauréat, que j’ai compris comment m’approprier cette discipline pour que ce soit plus pertinent. »
Bien entendu, elle s’intéressait aux arts avant tout ça, sans toutefois être consciente de ses réelles possibilités. « Au primaire et au secondaire, j’allais aux cours d’arts plastiques comme les autres. On me disait que mes dessins étaient beaux. Mais dans ma tête, il va de soi que les gens disent tous ça aux enfants », affirme-t-elle en riant.
L’aspect intellectuel des arts l’a vraiment charmée. « J’aime beaucoup la contradiction et mettre le doigt sur le paradoxe. À l’université, en considérant les théories des arts et comment moi je les vivais réellement en tant qu’artiste, je constatais tellement d’incompatibilités que je me suis mise à les pointer. Personne ne le faisait. J’avais l’impression que plusieurs choses semblaient acquises alors qu’elles s’avéraient absurdes, une fois transposées dans la réalité. Des questions restent à soulever par rapport au contexte de l’art », soutient la jeune artiste.
Concrètement
Visuellement parlant, Laurence décrit son œuvre comme très épurée. Elle a recours aux couleurs noir, blanc et rouge pour traiter des idées reçues à leur sujet et leur évocation abstraite. « Je joue avec l’idée que l’art nous apparaît intellectuel, loin de nous, alors qu’il se situe finalement si près. En intégrant l’humour, les spectateurs ne réalisent parfois même plus que c’est de l’art qui se trouve devant leurs yeux. »
Le texte tient une place importante dans l’œuvre de Béland, surtout grâce aux retournements qu’il lui permet de provoquer. Les mots ne sont pas là pour expliquer l’œuvre et la doter d’un sens nouveau; ils font partie de l’œuvre et constituent un médium comme les autres qu’elle met à contribution pour parvenir à ses fins.
« J’utilise le texte comme affichage, de la même manière qu’en galerie, soit comme un outil qui présente le titre et l’artiste. Sauf qu’il prend beaucoup de place et que chaque mot utilisé doit posséder plusieurs sens. » Malgré cette place imposante dont le texte profite, elle observe que le public lui porte peu d’attention, puisque ce dernier n’a pas l’habitude de penser que la clé pourrait se trouver là. « Il est intéressant de constater à quel point le texte, surtout lorsqu’il est apparent, demeure ignoré ou tenu pour acquis par les gens », dit-elle.
L’utilisation des symboles lui permet aussi d’insuffler un sens supplémentaire aux installations. Tous les éléments utilisés ne se trouvent pas au service de l’œuvre, mais en font bel et bien partie. « Le texte est œuvre, les chaises, les haut-parleurs, les tables et même la relation du spectateur avec les différents éléments font œuvre », affirme Laurence.
Le questionnement à savoir si ce qui se présente à nos yeux constitue une œuvre se trouve au cœur même de cette œuvre que nous recherchons. La critique du milieu des arts, qui laisse peu de place au questionnement, et la (re) définition du rôle de l’artiste alimentent toute sa création, qui s’établit sous le mode de l’autodérision.
Concepts
Laurence perçoit l’art comme un phénomène relevant invariablement de l’installation. « Même quand je regarde une peinture, je considère aussi l’espace ainsi que les réflexions qu’il engendre. Tout est intervention, car nous sommes constamment en train d’installer nos expositions et donc d’intervenir dans un lieu. La réflexion va loin. Tout est performatif », pense-t-elle.
Lorsqu’on lui demande si elle se considère comme une artiste pluridisciplinaire ou multidisciplinaire, elle avoue ne pas se reconnaître dans ces titres. « Je préfère utiliser un terme comme artiste conceptuelle contemporaine, juste pour amplifier l’image et jouer avec. Sinon, j’aime bien utiliser artiste tout simplement, car ça veut tout dire. »
À venir
Ces temps-ci, Laurence se prépare à VON, une résidence d’artiste au Centro Morelense de las Artes del Estado de Morelos à Cuervana (Mexique), où elle se rendra avec une vingtaine d’artistes québécois pour tout le mois de juillet. Des expositions collectives, des conférences publiques, des interventions dans des lieux publics et de la création en atelier les y attendent. Elle participera aussi, à l’automne, au projet Complot (projetcomplot.com).
Pour en savoir plus sur elle, son blogue personnel présente plusieurs de ses œuvres : hhhhhhhhhhhhn.blogspot.ca. Le collectif d’artistes Les Enfants de chienne, qu’elle a cofondé, nous donne aussi à voir une part de son imaginaire. Elle aura très bientôt son propre site Internet, laurencenbeland.com. Une artiste à suivre…