Quand la musique est bonne (bonne, bonne) pour le cerveau
C’est Jean-Jacques Goldman qui interprétait ce succès en 1981. Force est d’admettre que même si la musique n’est pas toujours bonne, une chose est certaine : elle agit de plusieurs façons sur notre cerveau. C’est d’ailleurs sur ce sujet que s’est penchée une équipe de chercheurs de l’université McGill à Montréal. En utilisant des techniques d’imagerie cérébrale, l’équipe en est rapidement venue à la conclusion que l’écoute de la musique « peut engendrer une légère sudation et une modification des rythmes respiratoires et cardiaques¹. » Un peu comme la nourriture ou la drogue, la musique sollicite le circuit de la récompense dans le cerveau de l’auditeur, libérant ainsi la dopamine, le neurotransmetteur du plaisir. C’est un peu pour cette raison que nous avons souvent ce petit frisson lorsque nous entendons une pièce que nous affectionnons particulièrement.
Je danse dans ma tête
C’est le chercheur Hervé Platel dans les années 90 qui fut l’un des premiers à s’intéresser à l’impact de la musique sur le cerveau de l’auditeur. À l’aide de l’imagerie par résonance magnétique, lui et son équipe ont réussi à démontrer la relation entre la perception et la mémoire musicale, que l’on soit musicien ou simple auditeur.
Avant ses trouvailles, plusieurs scientifiques affirmaient que les deux hémisphères du cerveau agissaient de manière complémentaire. D’un côté, la logique et le langage, de l’autre la partie artistique. Selon Platel, « la musique engage le cerveau dans sa globalité, créant presque une symphonie neuronale mettant en jeu les quatre lobes cérébraux, le cervelet ou l’hippocampe, surtout connu pour son rôle dans la mémoire². » Selon lui, c’est à cet endroit qu’il y aurait « plus d’activité cérébrale chez les musiciens que chez les non-musiciens », ce qui fait en sorte qu’il y a une augmentation de la quantité de neurones en fonctions des années de pratique du musicien.
Les découvertes les plus récentes ont démontré que les violonistes ont un cortex moteur très développé dans l’hémisphère droit avec un plus grand nombre de synapses étant donné qu’ils utilisent beaucoup leur main gauche. De l’autre côté, les pianistes présentent ce développement dans les deux hémisphères, en lien avec chaque main³. Comme l’explique Daniele Schon, directeur de recherche à l’Institut de neurosciences des systèmes, « la musique serait aussi capable d’optimiser la synchronisation entre populations neuronales et permettre ainsi une meilleure communication et anticipation du flux d’information ».
Stop ou encore ? Je m’arrête ou j’continue ?
Cette augmentation du nombre de neurones peut s’expliquer de cette façon : tout au long des heures de pratique, l’apprentissage développe différentes zones du cerveau. Selon la complexité des exercices, il crée alors de nouveaux neurones et, du même coup, multiplie les connexions. C’est ce qu’on appelle la plasticité cérébrale. Notre cerveau est donc plastique !
C’est aussi ce qui rend l’apprentissage d’un instrument (au même titre qu’une langue étrangère) possible, mais plus difficile en vieillissant. « Avant l’adolescence, le cerveau étant encore immature, chaque nouvel apprentissage bouleverse sa structure », explique Platel. D’ailleurs, la pratique d’un instrument aide au développement de plusieurs régions traitant les informations motrices dont certaines agissent en étroite collaboration avec les fonctions langagières, la mémoire et le plaisir. L’apprentissage d’un instrument va permettre à l’enfant de stimuler plusieurs parties de son cerveau, à le développer et l’entraîner.
Si jamais j’oublie
La musique n’est pas seulement bénéfique si on joue d’un instrument. Elle a aussi des effets thérapeutiques sur celui ou celle qui en écoute. Elle permet souvent d’exprimer des émotions, diminuer l’état d’anxiété et améliorer le sommeil⁴. C’est l’une des raisons pour laquelle les thérapies musicales sont si souvent utilisées lors du traitement avancé de la maladie d’Alzheimer. « Ce qui est étrange, c’est que la mémoire musicale résiste, même à un stade très sévère, le cerveau continue d’encoder des informations », de conclure le chercheur.
La musique est aussi de plus en plus utilisée dans certains traitements contre le stress, la douleur et aussi pour les personnes ayant subi un AVC. La musique évoque des souvenirs et des associations, ce qui stimule les pensées, les images et les sentiments. Selon une étude de la Southern Connecticut State University, la musique pourrait même faire oublier l’état de fatigue ressentie par certains sportifs. Pas étonnant que la musique résonne partout dans les arénas, les stades et aux Olympiques, car elle peut servir aussi de motivation pour les athlètes avant ou pendant une compétition.
L’œil du tigre
La musique occupe une place bien à elle dans toutes les sociétés et les religions. Dernièrement, les scientifiques s’y intéressent de plus en plus. Comme le rapporte Emmanuel Bigang, directeur du Laboratoire d’étude de l’apprentissage et du développement à l’université de Bourgogne : « on est passé d’une pensée magique à un vrai savoir scientifique sur ces bienfaits, et cela, à chaque extrémité de la vie ». Lorsque nous écoutons une chanson qui nous plait, les circuits neuronaux sont les mêmes qui interviennent dans les mécanismes de motivation et de récompense. Le système limbique est le siège des mécanismes d’action euphorisante, tel que la dépendance aux drogues, à la nourriture ou même aux sports extrêmes⁵. Pas surprenant que Rocky soit si motivé pendant ses entraînements !

Références
³ Ibid.
⁴ https://www.journaldemontreal.com/2016/11/25/7-bienfaits-de-la-musique
⁵https://faitesdelamusique.ca/bienfaits/
⁶https://www.polycliniquedeloreille.com/conseils-sante/musique-effets-cerveau