Prêter sa voix pour briser les tabous
THETFORD MINES, QC | FÉVRIER 2022
Des volutes de fumée blanche s’élèvent du bureau. Plongée dans ses pensées, l’autrice brode la fin d’un poème. Soit, il ne suit pas les règles conventionnelles de la poésie, mais on y trouve une émotion palpable. Les mots comme exutoire, elle s’est construit une vie où la littérature fourmille; où la littérature est partout. Dernièrement, elle a ajouté une corde à son arc : briseuse de tabous.
L’histoire débute alors que Jessica Di Salvio étudie au Cégep de Lionel-Groulx, en histoire et civilisation. Avec un cursus mettant de l’avant la philosophie et la sociologie, l’étudiante est amenée à se questionner sur la condition humaine : les communautés LGBTQ+, les droits des hommes, des femmes… puis, le féminisme. Elle réalise que ce dernier se présente sous diverses formes dont une qui éveille un besoin d’approfondir ses recherches. Il s’agit d’un féminisme qui à force de vouloir valoriser les femmes, en vient à rabaisser les hommes ou à ignorer certaines facettes de ces derniers. On pense à l’homme dans sa parentalité, mais aussi, l’homme comme victime d’agression sexuelle. Trop souvent l’on aborde la violence sexuelle d’un seul point de vue : l’homme agresseur et la femme victime. Pourtant, après avoir pris connaissance de divers témoignages, Jessica réalise que ce chiffre noir dont on parle (les agressions sexuelles qui ne sont pas déclarées / dénoncées) comprend un grand nombre d’hommes ayant été victime d’abus.
L’autrice avait envie de leur donner une voix.
Cette voix, c’est Noam.
Le roman tourne autour de lui : un garçon victime d’agression dans un party. Toutefois, l’autrice prend soin d’aborder différents types d’agression, validant les contextes et les victimes. Dans un contexte de groupe de soutien, des personnages de tous âges se confient sur la violence dont ils ont été victimes, par des proches, des enseignants, des amants.
C’est en 2017 qu’elle jette ses premiers mots sur le papier. C’est un long processus qui passera même par un refus, mais elle ne baissera pas les bras. Heureusement, car à la suite de la publication du roman dans la collection Tabou (Éditions de Mortagne), plusieurs femmes lui ont témoigné de la reconnaissance d’aborder un sujet dont on parle trop peu. Elle a su se glisser dans la peau d’un garçon traversant de dures épreuves tout en naviguant dans cette étape de changements qu’est l’adolescence.
Alors que l’entrevue était sur le point de se conclure, Jessica m’a dit : « L’auteur n’est pas une vedette. L’édition n’est pas inaccessible. L’auteur est une personne comme n’importe qui et tu vas en croiser dans la rue sans même le savoir… Si moi je peux le faire, n’importe qui peut le faire ! »
Souvent, l’écriture est un monde que l’on idéalise en croyant que ce ne sont que quelques élus qui auront la chance de faire lire leurs mots, un jour. C’est un rêve que plusieurs ont, mais il est important d’être conscients que c’est possible d’y arriver. Oui, il faut de la persévérance, mais avec de la passion et des efforts, c’est tout à fait possible. 2021 a été une année où l’inspiration ne s’est que peu montrée.
Aujourd’hui, Jessica m’annonce que cette période famélique fait partie du passé. Non seulement l’inspiration est de retour, mais plusieurs projets sont sur la table, pour la jeune autrice. Non seulement un nouveau tabou est à paraître, mais elle travaille sur un album jeunesse et d’autres projets dédiés aux enfants, sans compter le blog littéraire (Le monde imaginaire de Mione) qui occupe une grande part de son agenda.
En attendant ses prochaines publications, prenez le temps d’aller lire Seul contre Elle ; un roman tellement pertinent qui brisera assurément certaines idées préconçues.