Pour que ça danse aux Îles….
ÎLES DE LA MADELEINE | SEPTEMBRE 2018
À la Grave, le ressac clapote sur les calles des bateaux. Sur le bois équarri du quai, les pieds alertes des danseuses s’élancent devant la foule. Les mains s’agrippent et se lâchent traduisant ce dur déchirement entre liberté et restriction propre aux insulaires et qui se reflète toujours, d’une manière ou d’une autre, dans les chorégraphies que crée Cindy Mae. Terreau d’ancrage et d’inspiration, les Îles guident indéniablement la jeune créatrice à travers son parcours; pour elles, par elles.
« Je veux que ça danse aux îles, que la danse vienne à nous, que ça se passe ici…».
Oui, par tous les moments dont regorge sa créativité, Cindy Mae enseigne, diffuse, transmet, partage et propulse la danse partout dans l’archipel afin qu’elle s’intègre dans les mœurs locales; c’est sa mission, dit-elle, avec certitude.
Représentations planifiées, in situ ou flash mob, dans le cadre de projets personnels ou ceux réalisés pour la Coopérative École Cindy Mae Danse, ses chorégraphies mobilisent la communauté locale et les gens de passage en des paysages de mer et de glace qui parlent d’eux-mêmes et qui se métissent aux émotions qu’engendrent ses représentations.
Partir, puis revenir
Un soir, devant la télévision, des gens en habit jaune bougent avec synchronisme, guidés par la musique.
« Mais qu’est-ce-que c’est? » ?, demande-t-elle à sa sœur. « De la danse. ».
Révélation d’enfance qui provoque de nouveaux accords envers soi et change notre trajectoire.
Cindy Mae comprend alors qu’elle veut apprendre cet art et que ce n’est ni le Cirque local, ni les maigres options qui s’offrent à elle dans cette communauté qui se trémousse alors peu, qui lui permettront d’accomplir cette intention. Elle quitte sa terre afin d’acquérir sa formation, mais reste attachée à celle-ci par ce lien invisible et prégnant qu’est l’appartenance.
Durant ses six années de formation à Drummondville et à Montréal, où elle concrétise des études en danse contemporaine, profil chorégraphie, elle effectue des allers-retours dans les décors colorés madelinots pour y transposer ses découvertes. En 2012, poussée par cette attraction inexplicable envers l’insularité de sa jeunesse, Cindy Mae revient s’établir aux Îles, pour y rester.
Entre création et transmission
À son retour, elle inaugure sa propre école de danse qui, en 2017, a été transformée en Coopérative qu’elle gère conjointement avec Cybèle Pelletier et Joana Landry. Dans les classes, tous les âges et les niveaux d’expérience se côtoient, car l’appel à la rencontre et au partage domine tout.
Chez Cindy Mae la chorégraphe et l’enseignante cohabitent en un équilibre certes délicat, mais nécessaire à son désir de transmettre. Permettre aux gens d’apprivoiser la danse, de s’y laisser aller avec confiance malgré l’inexpérience, en les faisant interprètes de ses créations est, selon elle, une combinaison fort enrichissante. Puis, pierre angulaire de sa démarche : les Îles, de ses paysages à son franc-parler, incarnées en mouvements par des madelinots.
Parmi ses activités d’enseignement, l’artiste se réserve des espaces de liberté afin d’offrir son talent à des créations collectives tels des vidéos, des pièces de théâtre, des mises en scène extérieures et pourquoi pas un rôle comme comédienne dans le film Les Loups. Sa tête aux idées infinies, aussi vastes que l’horizon, couve déjà plusieurs desseins, qui toujours, visent l’émergence de l’art dans sa communauté.
« Un jour, quand je serai plus âgée, que je ne pourrai plus pratiquer mon art comme je le fais présentement, je vais m’assoir et admirer mes îles danser, à travers d’autres, encore et encore…. ». Avec ce début de carrière florissant et sa ferme intention de demeurer aux îles, on ne peut que croire en sa vision, dont on lui souhaite l’exaucement.