Partager l’intemporel
WINNIPEG | JANVIER 2022
Dès les premières images de Riverside Queerness, on comprend qu’Éric est un poète. Poète de l’image, des mots… poète des âmes. Il permet à l’art de vivre d’une manière différente, où viennent se juxtaposer ou plutôt se fondre son héritage métis de la nation Métis de la Rivière Rouge à son appartenance à la communauté queer ainsi qu’à son identité de Franco-Manitobain.
Il dépeint l’art comme un second langage qui se veut honnête; d’une sincérité qui confronte, mais qui nous permet de nous reconnaître et d’avancer. C’est dans le quotidien, sur les places publiques que l’artiste arrive à mettre le doigt sur ce qui inspirera ses prochaines œuvres. Un cahier dans son sac à dos, il est toujours prêt à accueillir la naissance d’une nouvelle idée. La vie en soit, dans sa plus simple expression, est son moteur.
Puis, il rentre chez-lui, se verse un verre de vin et glisse un doigt le long de sa collection de vinyles avant d’arrêter sur Patrick Watson. Il ajuste le disque et y dépose doucement l’aiguille avant de s’installer à son bureau, devant son ordinateur. Il attend les première notes avant de se laisser bercer par les scènes captées durant la journée. Puis, il se laisse porter au gré des chansons jusqu’à ce que la musique cesse et qu’il n’entende que l’aiguille tourner dans le vide. Le temps est suspendu, comme la création.
C’est à cette table qu’il a écrit INÉDIT, sa première pièce de théâtre. Dans son texte mettant en scène de jeunes Winnipégois, le français et l’anglais s’embrassent et s’entrechoquent, comme les liens complexes que tissent les personnages. Le soir de la générale, au Théâtre Cercle Molière, Éric a invité une aînée bispirituelle à procéder à un rituel de purification par la fumée (smudging). Dans ce théâtre centenaire, le plus vieux en Amérique du Nord, prenait place un moment très spécial, de réunion, de reconnaissance et de partage.
Ce sont des moments comme ceux-ci que l’artiste pluridisciplinaire souhaite créer. Des instants marquants qui débutent à l’individu pour ensuite créer une expérience universelle. Dans sa région, l’ouverture débute tout juste, face aux entités plus marginalisées. C’est d’ailleurs une part importante de tous les projets créatifs d’Éric : confronter les tabous. Faire en sorte que les marginaux se reconnaissent dans son art, mais aussi que d’autres puissent s’y reconnaître dans l’état d’esprit, dans les émotions… dans le vécu qui imprègne l’œuvre.
Évidemment, vouloir confronter les tabous amène aussi son lot de défis. Bien que sa liste de réalisations soit impressionnante, plusieurs endroits ont choisi de ne pas montrer son art parce que l’univers queer vient avec un risque pour la personne qui l’endosse. Ces refus n’ont pas mis de frein à sa créativité puisque le rayonnement des sujets qu’il aborde est très important. D’autant plus que lui-même, plus jeune, n’arrivait pas à se reconnaître à travers ce qu’il voyait. Rien ne collait parfaitement.
« Au lieu de me plaindre du manque de contenu queer, pourquoi ne pas le créer moi-même? »
Saint-BoniFAG est un exemple probant, ouvrant une fenêtre sur l’intimité et le parcours de l’artiste vis-à-vis sa quête identitaire dans un village francomanitobain et catholique. Une œuvre sensible et crue. Une œuvre honnête.
« Pour faire de l’art, il faut être honnête avec soi-même. Il faut être curieux de soi-même et de l’autre. L’art a quelque chose à dire. » – Éric Plamondon
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