l’Hiver tripatif

lvalet
Photo : Martin Savoie
14 décembre 2017

l’Hiver tripatif

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Photo : Martin Savoie
14 décembre 2017

ANNIE ST-JEAN

l’Hiver tripatif

Rédaction : A. A. Fréchette
Photo : Martin Savoie
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INVERNESS | MARS 2014

15 décembre 2013, première tempête de neige de l’hiver (si l’on considère que l’hiver commence avec la neige).

De Victo à Saint-Camille, en empruntant la route de Saint-Adrien, je suis complètement angoissée par ce blanc qui s’étale partout. Le sol, la route et le ciel ne forment plus qu’une masse uniforme, prête à m’avaler. Puis, je pense soudainement à ce mot… « tripatif ».

J’arrive enfin, toute crispée, au P’tit bonheur de Saint-Camille et grimpe à l’étage, là où Annie St-Jean présente sa première exposition comme photographe. Sur les murs, une dizaine de photos imprimées en grand format, la plus petite faisant trois pieds par trois pieds, transposent à l’intérieur un peu de ce qui sévit à l’extérieur. Or, les scènes hivernales proposées procèdent plutôt du calme et de la contemplation.

Diana

L’amour qu’Annie porte à la photographie argentique ne date pas d’hier. Son père étant photographe, elle apprend rapidement à se débrouiller avec la pellicule. « J’ai toujours utilisé un appareil 35 millimètres manuel, de dire la jeune artiste. C’était naturel pour moi. Les photos de mon garçon, lorsqu’il était bébé, et tous mes souvenirs, en fait, sont en 35 mm. »

Mais un cadeau offert, un Diana F+, réplique de plastique d’un appareil des années 1960, déclenche une passion qu’elle dévoile peu à peu, depuis quelques années. « Il permet une vision plus intime, pour moi, puisque le cadrage est un peu serré. Le feeling de prendre cet appareil et de regarder dans le viseur demeure très intéressant », souligne-t-elle. De fait, comme le sujet apparaît sur la pellicule tel que vu par l’œil dans l’appareil, la proximité entre l’image et celui qui la capte lui semble accentuée.

De fil en aiguille, elle imagine ses photos sur grand format, histoire de replonger dans ces univers qui l’ont enchantée. D’où l’idée de cette exposition, qui lui permet de partager les fruits de son travail et de faire revivre des instants uniques.

Vision dédoublée

On reconnaît les œuvres signées Annie St-Jean par un traitement de l’image bien à elle. L’impression de triptyques qui se chevauchent à l’intérieur d’un même cadre provient d’un jeu méticuleux avec la pellicule.

« À la base, il s’agit toujours une image carrée, soit un quatre quarts ou un 120 millimètres, explique-t-elle. Si j’avance la pellicule et prend une autre photo, cela fait une superposition et devient une image panoramique, un format rectangulaire. » De cette exploration, elle a créé un art où le résultat surprend chaque fois.

Tout est fait à la main : aucune intervention numérique dans ces paysages surréels. Pour y arriver, il s’agit simplement d’être alerte et de toujours prévoir la prochaine pose. Un travail difficile mais tout simple entre les mains d’Annie, qui croit avoir compris cet appareil au premier déclic. Le coup de foudre semble bien être réciproque.

Grand frisson

Pour cet accrochage, la photographe a choisi de mettre en valeur la nature hivernale, qui lui paraît représentative de ses intérêts. « Je suis très sensible à ce que je vois et la nature m’émerveille constamment », admet-elle.

La plupart des clichés ont été réalisés dans une forêt qu’elle affectionne, à Inverness. La composition étant une étape importante pour elle lors du traitement de l’image, chaque pièce porte le nom d’un groupe de musique ou d’un artiste lié au domaine musical. C’est d’ailleurs un compositeur de la région, Danys Levasseur, qui lui a inspiré le titre de cette première exposition. « Un jour, il a dit de mes photos : “C’est tripatif”, et ça représente tellement comment je me sens. Je tripe à faire ces photos, car avec cet appareil, c’est très créatif. »

En fait, le néologisme peut se décliner de plusieurs manières, puisqu’on peut y lire tous les autres adjectifs empruntant le suffixe « if », comme méditatif. Toutefois, dans ce mot forgé sur mesure, on décèle davantage un reflet des photographies d’Annie St-Jean et de son travail de composition.

Enfin, avec Hiver tripatif, Annie St-Jean effectue en beauté ses premiers pas dans l’arène comme artiste visuelle. Gageons que nous aurons de ses nouvelles assez rapidement et, cette fois, dans un musée près de chez nous.

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