Les questions-réponses de Stéphanie Bourgault-Dallaire

gebe
Photo : Patrick Duchesne
18 novembre 2021

Les questions-réponses de Stéphanie Bourgault-Dallaire

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Photo : Patrick Duchesne
18 novembre 2021
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LITTÉRATURE

Les questions-réponses de Stéphanie Bourgault-Dallaire

Entrevue : Patrick Duchesne
Photo : Patrick Duchesne
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Stéphanie Bourgault-Dallaire enseigne à Edmonton, en Alberta. Chroniqueuse, auteure et scénariste, elle crée des univers à la fois drôles et touchants pour ses personnages.

Tu te décrirais comme quel genre d’auteure ?

Mes trois premiers romans sont classés sous le genre narratif fictif, plus précisément le roman féminin ou la Chick lit.

À la sortie d’Abigaëlle et le date coaching, on a dépeint mon style de « comico-dramatique » et c’est à ce jour la description que j’affectionne le plus.

Si mon écriture n’a qu’un seul but, à une époque anxiogène comme la nôtre, c’est de créer chez les lecteurs le mouvement des épaules : qu’elles soient secouées d’un fou-rire ou qu’elles se relâchent dans un moment de validation personnelle, j’aurai atteint mon objectif. J’aime toucher les gens et les faire décrocher. Rire et connecter.

J’ai plus d’aise à parler de mon besoin naturel de créer que de m’affilier à un genre littéraire. Je m’affirme beaucoup plus dans le « j’écris » que dans le « je suis ». Quand une histoire et ses personnages m’habitent, j’ai le goût de les partager. De leur donner vie. Je m’autorise à voir au-delà d’un seul genre littéraire.

Ces derniers temps, c’est la littérature jeunesse qui me chatouille ! Je m’autorise à suivre cette voie et l’inspiration est là.

Comment as-tu commencé à écrire et que fût l’élément déclencheur ?

J’ai lu énormément durant mon adolescence et jeune adulte, j’avais déjà le fantasme de signer mes propres fictions. Par contre, ce sont mes études que j’ai privilégiées. Il a fallu des années avant que l’écriture devienne une priorité. Dès l’obtention de mon baccalauréat en enseignement, je me suis établie dans l’Ouest et c’est ici, ultimement, que mon employeur m’a mise au défi d’écrire de façon professionnelle. Pendant un exercice de cohésion d’équipe, on nous lançait des questions très aléatoires auxquelles on devait répondre du tac au tac, sans réfléchir. « Tu gagnes un million de dollars ce soir ; que fais-tu demain? » Ma réponse : « Je quitte mon poste pour écrire…» Ça m’est venu sans doute trop spontanément parce qu’il a tenu à me rencontrer à la fin de l’activité… pour m’encourager. J’avais le potentiel, selon lui, de devenir écrivaine et il espérait que je n’allais pas attendre un événement aussi démesuré qu’un gain à la loterie pour me lancer. Il avait aussi l’intention de me laisser voir que l’écriture et l’enseignement pouvait coexister. Que je n’avais pas à sacrifier une passion pour en vivre une autre. De là, est née une première chronique que j’ai tenue dans le journal Le Franco entre 2010 et 2014 et parallèlement, un premier manuscrit.

Quelle est ta routine habituelle avant de débuter ton processus d’écriture ?

J’investis dans une longue période de recherche ; j’apprends à connaître mon sujet et mes personnages. Je m’enveloppe de l’ambiance et du ton vers lesquels je me dirige, à travers, par exemple, la musique. Je mets mes idées à la mijoteuse. Je me pousse à ralentir et à étirer ce moment d’émulsion pour laisser mûrir mes réflexions. Avertissement : me questionner au sujet de mon processus, c’est s’exposer à d’étranges analogies avec la grossesse, la cuisine et l’horticulture !

Je suis aussi maman de deux merveilleux enfants de 7 et de 9 ans et enseignante à temps plein. Les temps libres sont… quasi inexistants ! Ma routine d’écriture implique donc, pendant des mois, des notes sur un coin de table, à la sortie de la douche ou juste avant de dormir. Je noircis mon plan d’écriture et seulement quand je me sens indubitablement prête, j’étudie mon calendrier à la recherche d’un moment où je pourrai m’asseoir et, avec le moins d’interruptions possible, pondre un premier jet.

Dans ton métier, qu’est-ce qui est pire qu’un manuscrit refusé ?

L’attente. Il peut s’écouler plusieurs mois avant qu’une maison d’édition signale son intention d’adopter ou non un manuscrit. Cette période d’incertitude multipliée par le nombre d’éditeurs contactés et possiblement, par le nombre de vagues d’envois du manuscrit en question, joue immanquablement sur la vulnérabilité de l’auteur. Après tout, si on a choisi de coucher une histoire sur papier, c’est qu’on croit qu’elle se démarque et qu’elle constitue une expérience unique à offrir aux lecteurs… Mais si on se trompait ? Être optimiste et garder l’espoir que notre manuscrit trouvera la bonne équipe peut demander beaucoup d’énergie.

Qu’aimes-tu le plus de ton métier d’auteure et quels sont les inconvénients du travail d’écrivain ?

La précarité dans les métiers issus du milieu des arts n’est pas un secret pour personne. Peu réussissent à en vivre et pour y arriver, il faut produire constamment et composer avec un stress énorme.

Avec le temps, je réalise que l’essence de ma motivation à écrire est un désir à la fois de me retrouver et de rejoindre les gens, autour de thèmes qui m’animent. Que ce soit en tant qu’enseignante ou auteure, j’aime raconter et écouter. Comme tous les auteurs, je partage des petits bouts de moi dans mes textes, des petits bouts qui vont parfois résonner avec celui ou celle qui se trouve de l’autre côté de la page. C’est cette complicité silencieuse qui dresse la table, je pense, aux échanges les plus inspirants.

Je ne me vois pas écrire pour vivre ; le rythme que cela exige ne me conviendrait pas. Mais j’adore que vivre pleinement m’amène à écrire. Je ne pourrais composer avec ma créativité autrement.

Tu résides à Edmonton. Comment se passe la vie d’une auteure dans ta région? Quels sont les avantages de pratiquer ton métier dans cette région, et ce, malgré le fait que tu écrives en français ?

Vivre dans un milieu minoritaire me permet de voir à quel point l’esprit de communauté fait la force d’un groupe. La compétition fait rapidement place à l’entraide quand le développement de l’identité culturelle est une priorité collective.

Quand mes romans ont été adaptés pour l’écran sous la forme d’une série web, j’ai eu la chance de scénariser la première saison et d’agir comme consultante à la scénarisation pour la saison suivante. À de nombreuses étapes du développement de la série et sur différents plateaux, j’ai pu observer l’intention ferme de l’équipe à mettre en valeur les artistes de la communauté et d’aller recruter dans la francophonie canadienne autant le talent des amateurs que des professionnels. Le mentorat prenait une grande place dans la réalisation des épisodes. Il était évident que ce projet avait l’ambition d’impliquer et de faire briller le plus grand nombre d’artistes francophones possible.

Les arts sont bien vivants chez nous, et très diversifiés. Le Regroupement artistique francophone de l’Alberta, the Alberta Foundation for the Arts, Le Centre de la francophonie des Amériques, les médias et diffuseurs, les organismes régionaux comme les associations canadiennes-françaises de l’Alberta, les événements comme l’Entr’ARTS, le Festival Edmonton Chante, le French twist, le Festival du Canoe Volant et j’en passe… Autant d’endroits et d’occasions de consommer sa culture, de réseauter et de parfaire son art.

Quelle est la meilleure formation qui prépare à ce métier ?

Lire. Lire. Lire.

À tes yeux, qu’elle est l’histoire parfaite pour qu’un roman séduit un lectorat ?

Il n’y a pas, selon moi, d’histoires parfaites. Aucune formule littéraire miracle. J’ai un fort penchant pour les romans qui peuvent à la fois me faire rire et pleurer mais ça, ce sont mes préférences. Nous avons tous des besoins de lecteurs différents, et ces besoins varient tout au long de notre vie. Cela dit, le manuscrit qui aurait le potentiel de séduire un lectorat serait à mon humble avis, celui qu’on écrit; pas celui qu’on rêve d’écrire et qui restera à jamais une idée tenue en otage par notre peur de ne pas y rendre justice. Alors voilà… à vos claviers !

Ne manque pas l’entrevue officielle et la photo exclusive dans ton magazine de décembre…

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