Le passage du vivant
THETFORD MINES | AVRIL 2018
La littérature se faufile dans toute forme d’art autant qu’elle s’en repaît. S’y risquer signifie oser des domaines inattendus. Et si l’on passe de littéraire à projectionniste, devient-on cinéaste, performeur ou créateur visuel? John Blouin vous dirait : certainement tout ça à la fois.
Lors de ses études universitaires en lettres, cet amoureux de poésie s’intéresse aux liens insécables entre l’écriture et l’image. « Mais le cinéma a toujours été là. Peut-être que, plus jeune, je ne disposais pas des moyens nécessaires et que le crayon s’avérait la chose la plus simple à trouver », raconte John Blouin.
Engagé comme projectionniste à l’Office national du film, il va de découverte en découverte. « Ça constitue un tournant important dans ma vie. Le projectionniste, c’est un accompagnateur d’images. J’ai appris énormément, notamment au contact de cinéastes. »
Cabina Obscura
L’enchantement ne s’arrête pas là pour l’artiste en germe. Bientôt, l’idée qu’une cabine de projection devienne un lieu de création se précise. « Le soir, je restais parfois très tard à travailler avec le 35 mm, puis avec le numérique. J’ai fini par concevoir des performances multiprojections en direct avec des musiciens », résume-t-il au sujet de son entrée particulière dans l’univers cinématographique. Ses expérimentations et prestations se font dès lors connaître sous le nom de Cabina Obscura.
Avec Lux, qui sillonne le Québec depuis 2016 et qui sera présenté en Louisiane en 2018, il s’attaque à l’installation filmique. « Le cinéma épouse plusieurs formes, précise-t-il. Il ne s’incarne pas seulement sur un écran. » Il ajoute que les projections lumineuses et les musiciens en direct ont toujours fait partie de l’histoire du septième art.
Bien que le potentiel performatif du cinéma se trouve enrichi par les moyens techniques d’aujourd’hui, pour lui, la recherche esthétique doit primer. « Quand tu crées quelque chose, tu te sculptes toi-même, et pour cette raison, il faut choisir le bon projet. »
Le cinéma et la vie
Chez John Blouin, le médium se fait souvent sujet, entre autres dans une série de courts métrages qui traitent de la mort d’un cinéma. Lou, la Vie! évoque aussi la transformation opérée par le temps, mais cette fois chez l’humain. « L’idée de naissance et de finitude revient, mais je m’intéresse au cheminement entre les deux. »
Le travail de Blouin ne peut se jauger par sa quantité. « Pour moi, tout mijote longtemps. Faire le film ne constitue qu’une infime partie du projet. » Il cite en exemple son opus Yo ya no soy yo, tourné à Durango (Mexique), où il accompagne une femme vers la mort. L’œuvre se veut simple, mais la route pour y parvenir l’est beaucoup moins.
Armand par Vaillancourt
Un film documentaire qui nous invite dans l’intimité du sculpteur Armand Vaillancourt devrait sortir à l’automne 2018. Encore une fois, John Blouin s’est armé de patience pour façonner ce tableau à sa manière. Depuis près d’une décennie, il capte des performances et côtoie le monument de la culture québécoise. « Je voulais me rendre à un endroit précis, dans une forme d’intimité, d’amitié et d’intransigeance artistique, aussi. Un jour, nous avons visité sa fermette, un lieu très privé pour lui, et il m’a dit : “Vas-y, je te suis”. » Après toutes ces années de travail, il atteint enfin le cœur de son œuvre.
Actuellement en postproduction pour ce documentaire intimiste, John Blouin note à quel point un sujet peut imposer sa façon de faire. « Le film s’est réalisé à la façon d’Armand, c’est-à-dire contre vents et marées, en continu et avec un côté guerrier. »
La démo d’Armand par Vaillancourt est diffusée ci-bas. On y retrouve également quelques courts métrages et performances. Pour visionner Lou, la Vie!, il faut plutôt visiter le site de l’ONF.
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