Le clair-obscur de la guérison
REPENTIGNY, QC | MARS 2022
Les émotions et l’art. L’art et les émotions. Deux éléments parfaitement inextricables qui se chevauchent et où chacun carbure à l’autre. Pour Émilie alias Emi Lief, il est évident que l’art est une manière de s’ouvrir et de permettre aux émotions de s’exprimer et à l’humain qui les ressent, de vibrer et de se libérer. La jeune artiste qui peignait des bâtiments abandonnés à l’allure magistrale a d’ailleurs fait preuve de beaucoup de résilience et de courage depuis son séjour en maison de crise et cela a eu un impact considérable sur sa manière de vivre sa créativité. Elle s’est libérée de ses démons.
À sept ans, déjà, elle prenait des cours privés de dessin et de peinture. Puis, Émilie le dit d’emblée : elle n’a pas eu une enfance facile. L’art est rapidement devenu son exutoire; particulièrement la peinture.
« Peu de mots sont nécessaires; tout se passe sur la toile. »
Aujourd’hui, c’est la guérison qu’elle peint. Le renouveau. Dans sa maison de Repentigny, la lumière percute les fenêtres. Les enfants sont à l’école et Émilie revient juste de sa promenade matinale, avec ses chiens. Elle sent encore la froideur extérieure sur ses joues. La maison est calme et silencieuse; propice à la création. Les marches craquent alors que l’artiste descend à son atelier. Elle installe une toile vierge sur son chevalet, se couvre de son tablier et fait jouer The rains of Castamere de Ramin Djawadi et Serj Tankian. Immédiatement, la voix du chanteur se fait entendre, à la fois douce, mais puissante. Une énergie qui enivre Émilie qui dépose les premiers traits sur sa toile. Pour l’instant, c’est à l’aide de son pinceau, mais elle se déplace aisément entre peinture, airbrush, aérosol et marqueur permanent. Elle s’abandonne complètement à la femme prenant un peu plus vie chaque fois qu’elle touche la toile.
La peintre donne naissance à un univers onirique, tout en demeurant sobre. Un monde de contrastes entre le sombre et la lumière, le chic et le « punché ». C’est dans ce clair-obscur que se dévoilent des silhouettes féminines inspirées de la force incroyable des femmes qui se battent pour mettre à mort leurs démons.
Évidemment, les obstacles qu’elle a elle-même vécus, elle sait que d’autres ont dû y faire face. La jeune artiste fait d’ailleurs preuve d’une grande générosité à cet égard. En 2019, elle a bénévolement offert des cours d’arts dans une école primaire, permettant ainsi à plusieurs enfants de s’évader à leur tour. Parfois, dans notre modèle éducatif actuel, l’art n’est pas toujours vu comme une priorité alors qu’il apporte souvent bien plus qu’il n’y paraît, comme c’était le cas pour Émilie, lorsqu’elle était jeune.
Elle ne s’arrête pas là. Après avoir fait un séjour à la maison de crise, Émilie s’est trouvé et a reçu un support extraordinaire de la part des travailleurs sociaux de l’organisme. Alors que la recherche d’aide est encore taboue, il était important pour elle de souligner tout le bien que ça lui avait fait, après avoir passé près de 20 ans à garder sous silence, des événements douloureux. À son tour, elle souhaite aider ceux qui vivent des situations difficiles et fait du bénévolat à la maison de crise.
Alors qu’elle en parle, on sent sa gorge qui se serre et toute l’émotion qui l’habite; toute la reconnaissance. C’est sur ces mots que l’entrevue se termine, alors qu’elle attend que son fils termine son cours de gymnastique. La jeune maman est admirable. À la fois coiffeuse de métier, artiste-peintre, maman et encore prête à tendre la main : « Parce que c’est important de savoir que les gens sont là. C’est important de s’entraider. »
Pour faire un don au Centre de crise de Lanaudière : http://crise.lanaudiere.net/don.html.
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