L’art d’organiser les sons

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Photo : Martin Savoie
13 décembre 2017

L’art d’organiser les sons

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Photo : Martin Savoie
13 décembre 2017

DANIEL TOUSSAINT

L’art d’organiser les sons

Rédaction : A. A. Fréchette
Photo : Martin Savoie
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VICTORIAVILLE | AVRIL 2015

Après avoir signé des dizaines de trames sonores, notamment pour le Cirque du Soleil et l’Office national du film, Daniel Toussaint conçoit la musique d’une série de cinq films intitulée La vie secrète des lacs, une coproduction internationale de ZED, Nova Média et ARTE France. Discussion avec l’homme qui nous donne à entendre le monde.

Celui qui a remporté un deuxième prix Gémeaux en 2013, catégorie « meilleur son », pour le documentaire Alphée des étoiles d’Hugo Latulippe, enchaîne les projets de création depuis plus d’une trentaine d’années, et ce, avec un plaisir renouvelé. Chaque nouveau projet amène son lot de particularités.

Parlant de La vie secrète des lacs, Daniel raconte qu’il doit parfois produire des musiques avant même d’avoir vu le film. « Souvent, ils utilisent des chansons de films hollywoodiens, aux budgets démesurés, pour faire approuver le montage. Le défi consiste alors à faire oublier ces musiques initiales. Ça prend un très bon compositeur! En France, maintenant, ils préconisent les compositeurs qui s’impliquent et qui fournissent des musiques qui vont rester par la suite ou qu’il sera plus facile d’adapter », commence-t-il.

Avec ces cinq films de 52 minutes, la commande est grande. Daniel décide donc de s’entourer de plusieurs musiciens de la région pour la remplir en respectant les échéanciers. Il demande d’abord le soutien de Pierre-Philippe Côté, qui vit à deux pas de chez lui, à Saint-Adrien. Puisqu’il possède son propre studio, il collabore largement à la composition d’un des épisodes. « Ce film se déroule en Amérique du Sud, au Brésil, précise-t-il. J’y voyais une connotation latine très forte pour la guitare. Je suis donc allé chercher Pium Nadeau et Cédric Allard. On a composé ensemble et j’ai joué, d’une certaine façon, le rôle du chef d’orchestre. »

Pour toute la série, Daniel agit également à titre de mixeur sonore. Il faut dire qu’il est habitué d’œuvrer sur plusieurs tableaux.

Qui fait quoi?

Le créateur de la région des Sources se perçoit comme un artiste hybride, puisqu’il agit à la fois comme compositeur et comme concepteur sonore. « La conception sonore, c’est quand il n’y a pas de musique, mais seulement des effets sonores pour créer une atmosphère psychologique, une tension ou un mystère. Ce n’est pas nécessairement un musicien qui s’en occupe. On appelle ça de la musique électroacoustique », dit-il au sujet de la frontière entre les deux spécialités. Daniel aime s’occuper des deux aspects, puisque ça lui permet d’agencer le tout avec plus de liberté. « Pour moi, tout devient une grande partition. La musique de film, c’est l’art d’organiser les sons dans le temps pour créer un univers. » Selon lui, prendre en charge ces deux aspects évite aussi les doubles emplois, car le compositeur et le concepteur peuvent avoir imaginé et créé des éléments différents pour un même instant. Le réalisateur doit alors trancher.

Les bonnes proportions

La composition sonore d’une production cinématographique ou visuelle a une grande importance sur l’ensemble de l’œuvre. Même si on ne le remarque pas, une scène peut paraître plus ou moins longue selon les choix musicaux effectués. « La musique vient nourrir l’œuvre, et le compositeur peut participer au montage du film par sa touche créative », note-t-il.

La musique peut influer sur le film lui-même, sur sa structure, le réalisateur décidant par exemple d’allonger une scène sous les conseils du compositeur. Car bien que l’image donne le rythme premier à l’œuvre, la compréhension de son mouvement peut tout changer. « Il y a une recherche de proportions dans la trame musicale. Ne pas mettre de musique à certains endroits constitue aussi un choix musical. Ça fait partie des lois naturelles, comme inspirer et expirer. Il y a des dimensions, horizontale et verticale, à la musique. Avec une image horizontale, je privilégie souvent un son vertical. Un coup de hochet et son écho, par exemple, font rendre compte de l’immensité du désert, d’un seul coup. Tandis qu’avec une note plate, c’est comme si tu ne voyais pas l’horizon », exemplifie l’artiste. Il ajoute qu’un détail comme celui-là, qu’il a découvert au fil des ans, lui permet de créer des mosaïques où rien ne dépasse et tout semble naturel.

D’un rôle à l’autre

Actuellement, Daniel Toussaint travaille aussi sur les documentaires March to the Pole (Muse Entertainment Entreprises) et Les contrôleurs aériens (Ideacom International). Autant de mondes distincts et dans lesquels il doit se plonger alternativement sans que rien y paraisse. « C’est le même défi que pour un acteur qui joue dans un film qui se déroule au 18e siècle et dans un autre de style futuriste. J’incarne des rôles. Chaque film devient une personne; on n’agit pas de la même façon avec sa mère et avec son frère », illustre-t-il.

Dans un avenir rapproché, Daniel aimerait travailler davantage sur des films de fiction. Aussi, il rêve de projets plus personnels. « Je me suis remis au piano. Je prépare un album solo; ça me permet de retourner aux sources de la composition. L’objectif est aussi de transformer les perceptions sur mon métier. Je veux m’établir comme musicien et non uniquement comme mixeur ou compositeur de trame sonore », confie-t-il.

Changer le regard que l’on porte sur son métier ne constitue pas une mince affaire, mais Daniel Toussaint a certainement le doigté pour y arriver.

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