L’art d’incarner le précieux moment présent
NOTRE-DAME-DU-BON-CONSEIL | FÉVRIER 2016
Il y a de ces textes qui nous interpellent, imagés et sensuels, à la fois simples et formidablement évocateurs. Il y a cette créatrice qui, par sa façon habile de nous faire un clin d’œil, nous rend complices à tout jamais… car avec quelques mots, on a vu, on est touché, on se souvient et on en veut, encore. Il y a tout cela dans l’œuvre de Diane Descôteaux.
Auteure d’une douzaine d’ouvrages, dont certains ont été traduits en anglais, en créole, en roumain, en russe et en japonais, cette écrivaine est ce qu’on peut appeler une créatrice prolifique! Quelque 175 prix littéraires et plus de 500 collaborations à des revues et des anthologies à travers toute la francophonie le confirment d’ailleurs. Nommée ambassadrice honorifique pour la culture gratuite de la Fondation Naji Naaman au Liban en 2011, la poète a également été récompensée deux fois au GalArt de Culture Centre-du-Québec (prix Création littéraire en 2004 et prix Ambassadeur en 2009).
« Écrire… Au début, ça me suffisait. Mais comme l’acte d’écrire se joue en solo et qu’on est dans le monde sans être de ce monde, l’envie m’en prit de voir le monde! »
– Diane Descôteaux
grande migration
mon avion et les outardes
même direction
Dernièrement, la poète de Notre-Dame-du-Bon-Conseil a remporté le troisième prix dans la catégorie « Poème court et haïku » lors du concours Europoésie 2015 au profit de l’UNICEF, à Paris. Parallèlement à sa création, elle offre des services professionnels en accompagnement littéraire personnalisé et anime des ateliers d’écriture de haïku dans les écoles, les bibliothèques, les festivals et les salons du livre, au Québec comme sur la scène internationale (Haïti en 2008, Cameroun en 2009, Lyon en 2010, Roumanie en 2013). En fait, l’écrivaine aime tellement le haïku qu’elle veut en contaminer le monde!
Et si c’était une formidable façon de vivre le moment présent? Les poètes ne sont-ils pas là, justement, pour nous faire redécouvrir les beautés de la nature? Parce que le plaisir de s’émerveiller devant une fleur, un oiseau, comme un enfant, spontané et naïf, inspire la gratitude, cet état bienfaisant qui nous transporte… et nous rappelle qu’on est vivant!
« Ici, maintenant, je suis touchée par la grâce; je l’écris, au présent, et quand je le relirai, je serai encore émerveillée, car mon souvenir sera parfait, et il jaillira, instantané, comme une respiration! »
– Diane Descôteaux
Grande histoire de la poésie courte
Issu de l’art japonais du tanka (datant du 8e siècle et formé de 5, 7, 5, 7, 7 syllabes), le haïku, né au 16e siècle, présente une formule plus courte (5, 7, 5 syllabes). Inspirée principalement de la nature et des cinq sens, cette forme de création s’incarne à travers ce que l’on voit, goûte, entend, ressent et touche. Au présent, toujours. Ici, maintenant, un flash, une image prise sur le vif, pour se souvenir de l’émotion d’alors. On appelle haïjin celui qui compose des haïkus, et haïsha, l’écriture d’un haïku en s’inspirant d’une photo.
sous le vert pignon
un clochard et une mouette
deux pour un quignon
Une histoire se cache derrière chaque ouvrage. Parmi les dernières offrandes de Diane Descôteaux, on remarque en 2010 Haïti pour toujours – Ayiti pou toutan, un recueil de haïkus en français et en créole publié aux Éditions Choucoune de Port-au-Prince. On y déguste l’adaptation d’Elsie Suréna, une belle rencontre pour la poète québécoise. La luciole attend la nuit pour briller, paru chez L’Harmattan en 2013, a été coécrit avec un Camerounais lors d’un séjour à Yaoundé, où elle a animé des ateliers de haïku. L’intérêt majeur de cet ouvrage réside dans le fait qu’il réunit quatre pays sis sur trois continents.
À deux pas de là/Two doors down, publié aux Éditions de l’Interdit en 2014, constitue un carnet de voyage : on passe du Québec à la France, poursuivant la route jusqu’à la mer Noire, en Transylvanie et en campagne moldave, visitant également l’Ouest canadien, Cuba et le Japon. Cette année-là, Sous l’influence… traite de cinq saisons qui modulent notre existence, et en 2015, le soleil contre les vitrines, un recueil de tanka paru aux Éditions de l’Interdit, arbore une œuvre du renommé peintre Robert Roy, de Sainte-Perpétue.
vieux calendrier
enrouler les épluchures
dans le mois d’avril
Le 13e ouvrage de Diane Descôteaux sera lancé prochainement dans la collection « l’Immortel » aux éditions JEBCA, aux États-Unis. 2016 verra également ses haïkus publiés en français et en espagnol dans un recueil collectif européen à paraître chez Classiques Garnier sous le titre Masque corps langues. Figures érotiques dans la poésie contemporaine. Enfin, l’auteure fait partie du projet dirigé par l’artiste peintre Mélanie Poirier, des Éditions mp tresart de Durham-Sud, un livre d’art regroupant une quarantaine de poètes.
bec du chalumeau
tirant son chant de l’érable
dans un vieux seau l’eau