La spontanéité décomplexée du recommencement
OTTAWA | FÉVRIER 2020
En octobre dernier, le rappeur alternatif Squerl Noir lançait son premier EP intitulé Dérives, une somme de quatre chansons écrites sous le sceau du changement. Une thématique qui accompagne d’ailleurs sa vie personnelle depuis près de quatre ans, alors qu’il a quitté sa France natale pour s’installer au Canada. Franco-ontarien d’adoption, c’est le fait de devoir recommencer à zéro dans un nouvel environnement qui l’a convaincu de se lancer dans l’écriture et de réaliser son désir longtemps réprimé de faire du rap. En proposant d’emblée un univers musical unique et accessible qui mélange les influences indies et post rock, il s’est rapidement taillé une place dans le milieu.
Contrairement à sa nature hyperactive – laquelle a d’ailleurs inspirée son nom de scène, qui est aussi un clin d’œil à sa ville d’adoption et à la dualité linguistique qui la caractérise – son rythme de création est assez lent. « Je ne m’oblige jamais à écrire et c’est peut-être pour ça que je n’ai pas un gros taux de productivité. J’aime prendre mon temps. Souvent, j’ai des images ou des phrases qui me viennent quand je marche dans la rue. Je marche beaucoup dans la vie, et je trouve ça méga inspirant, car ça me donne le temps d’observer les gens, leurs comportements, les paysages, la vie, les routines, etc. » À l’affût de son environnement, il prend constamment des notes dans lesquelles, le moment venu, il retourne puiser pour composer ses chansons. « J’ai toujours voulu faire du rap, mais j’avais peur d’écrire en français. En arrivant ici, j’ai redécouvert le français, j’ai appris à me décomplexer dans l’écriture. »
Même s’il avait déjà de l’expérience dans le monde de la musique grâce au groupe de post hardcore auquel il a pris part en France, c’est surtout dans les openmics qu’il a fait ses premières armes dans le rap. « Avant, je faisais des prods en cachette dans ma chambre, et je faisais des petits raps tout nuls dessus. Les openmics, ça m’a vraiment permis de tester le projet et surtout, d’avoir le courage de monter sur une scène sans trop faire attention aux jugements des gens. Retrouver un peu la sensation du stress avant de monter sur scène, mais en même temps d’être complètement anonyme. » Après avoir remporté la première place au concours Planète Urbaine en novembre 2017 et lancé son premier single « Calypso », les collaborations se sont enchaînées : on lui a offert d’assurer la première partie d’artistes comme Loud, Alaclair Ensemble, KNLO, Clay and Friends et Shawn Jobin. « Le public ne te connaît pas, il ne vient pas te voir, et tu es juste un vingt minutes avant l’artiste qu’il veut voir. Alors j’ai comme l’impression que tu ne peux pas te rater, car on t’accorde un moment et un super gros spotlight pour te faire connaître et voir comment les gens réagissent vraiment à ta musique. Le but, c’est vraiment de marquer le monde avant le gros show pour qu’ils se souviennent de toi. Ça fout une vraie pression, je trouve. »
Un autre moyen qu’il utilise pour se faire connaître est le vidéoclip. Son plus récent, « Mille feux », lui a d’ailleurs apporté une belle visibilité au cours des derniers mois. « Je pense qu’il est encore important de faire des vidéoclips, car ça permet d’offrir une image et de mettre la table à un univers, une identité. Mais c’est certain que la game se joue sur Spotify, maintenant. Pour moi, le clip sert vraiment à mieux faire comprendre mon univers, c’est un vecteur de plus. » Un univers qu’on a d’ailleurs souvent dit engagé à cause de la charge contestatrice qui se dégage de plusieurs de ses textes, où il s’attaque notamment à des questions aussi importantes que la violence faite aux femmes (« Solstice ») ou les bouleversements climatiques (« Tempête »).
En ce moment, il table surtout à faire vivre Dérives sur scène avec l’énergie et l’intensité qu’on lui connaît, ce qui ne l’empêche pas d’avoir plusieurs projets parallèles. Il travaille d’ailleurs déjà sur de nouveaux singles, qui tourneront cette fois autour du thème des apparences. « Perso, mes ambitions, c’est surtout de jouer live. Je veux juste faire de la musique, partager avec les gens. Et le faire sur scène, c’est vraiment ce qui me fait tripper. »
Pour en savoir plus sur Squerl Noir, rendez-vous sur son site officiel ou sur sa page Facebook.