Essentielle alchimie

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Photo : Martin Savoie
21 septembre 2017

Essentielle alchimie

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Photo : Martin Savoie
21 septembre 2017

SERGE GIGUÈRE

Essentielle alchimie

Rédaction : A. A. Fréchette
Photo : Martin Savoie
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ARTHABASKA | AOÛT 2013

Les documentaires, quoique bien ancrés dans le réel, procèdent aussi de cette magie, cette touche nécessaire pour capter l’attention, rendre le message accessible. Et si l’informatif et l’instructif étaient accordables à l’esthétisme, indissociables de cette signature de l’auteur? Dans ce cas, Serge Giguère serait certainement une manifestation emblématique de cette essentielle alchimie.

Bien que rien ne porte encore son nom dans sa ville natale, Arthabaska (aujourd’hui un secteur de la ville de Victoriaville), Serge Giguère est un monument dans le monde du cinéma documentaire. En 2011, la revue 24 images présentait un dossier spécial sur « l’homme d’Arthabaska », termes utilisés par Robert Daudelin dans la présentation de l’étude d’une trentaine de pages, qui se voulait un hommage à l’œuvre et à l’homme.

On peut y découvrir une carrière prolifique, mais surtout le regard respectueux d’un artiste sur son sujet. Une vision du monde intemporelle, qui fait de ses créations d’hier des incontournables d’aujourd’hui.

C’est dans les années 1970 que Serge Giguère se lance dans le cinéma. Après avoir assuré la direction de la photographie d’œuvres comme Ti-Dré, Temiscaming Quebec, 24 heures ou plus… et Retour au pays d’en bas, il coréalise Belle famille avec Robert Tremblay3 en 1978.

Il collabore ensuite avec sa compagne Sylvie Van Brabant pour Depuis que le monde est monde (1981), une réflexion sur une question alors brûlante d’actualité : accoucher à la maison ou à l’hôpital? Naissent alors Les Productions du Rapide-Blanc en 1984, et débute le tournage de ce qui marquera un tournant important dans la carrière du réalisateur, Oscar Thiffault (1987) : « Le film affiche un ton original et une complicité hors pair, faite de respect et d’amitié, entre le réalisateur-caméraman et le personnage haut en couleur qu’était l’auteur du Rapide-Blanc. »

Voilà une des raisons pour lesquelles il se méritera pour la première fois la mention Meilleur moyen métrage de l’année décernée par l’Association québécoise des critiques de cinéma, exploit qu’il réitérera à deux reprises avec Le roi du drum (1991), portrait du jazzman Guy Nadon, et 9, St-Augustin (1996), portrait du prêtre-ouvrier Raymond Roy.

Dans ses terres

De fait, Serge Giguère trouve à Victoriaville le sujet idéal pour cette incursion dans un réel qui dépasse l’imaginaire. Le film raconte la dimension communautaire, bien plus que spirituelle, de l’action de Raymond Roy, locataire du 9, rue Saint-Augustin. À nouveau, Giguère est attentif aux détails, partage des opinions et des gestes plus grands que l’individu et qui en disent long sur la collectivité dont il fait partie.

Après Le réel du mégaphone (1999), film sur le musicien et grand défenseur de la musique traditionnelle québécoise, mais aussi agent syndical de la CSN, Gilles Garand, Serge Giguère revient faire un tour dans les Bois-Francs pour réaliser le portrait du peintre Suzor-Coté. Le film constitue à la fois une biographie et un hommage à la région par les tableaux du célèbre peintre.

Consécration et mystère

À force de rêves (2006), onzième réalisation du cinéaste, est acclamée dès sa sortie et perçue comme le couronnement de sa carrière. Ce film lui permet de mettre la main sur le Jutra du meilleur documentaire en 2007. Giguère y propose cinq portraits de personnes âgées de 72 à 91 ans, ayant en commun une extraordinaire joie de vivre. Mais cette persistance dans le rêve évoqué par le titre rappelle également le cheminement des hommes dépeints par le cinéaste depuis le début de sa carrière; des figures porteuses d’un idéal, des personnes qui, comme Raymond Roy, sont devenues elles-mêmes des symboles, « à force de rêves ».

Enfin, Le Nord au cœur (2012) témoigne du parcours du géographe Louis-Edmond Hamelin, un « inconnu célèbre », peut-on lire dans le synopsis du film. Un homme amoureux de la langue comme du territoire, et qui, à 89 ans, nous ouvre ses portes par l’intermédiaire du cinéaste.

Puis reste à paraître Le mystère MacPherson. Le film retrace le travail de la cinéaste Martine Chartrand, œuvrant à la transposition en un film d’animation de la chanson de Félix Leclerc, « MacPherson ». Cette dernière raconte l’histoire d’un draveur noir mourant noyé. Or, au-delà de la chanson se cache une histoire étonnante sur laquelle le cinéaste se fera un devoir de lever le voile, une amitié interraciale entre deux hommes amoureux de musique.

À nouveau, le documentariste est le témoin privilégié des projets, des rêves et d’une part de mystère qui se dénoue, en partie, devant nos yeux.

Principales réalisations de Serge Giguère

1978 : Belle famille

1981 : Depuis que le monde est monde

1987 : Oscar Thiffault

1988 : Le gars qui chante sua jobbe

1992 : Le Roi du drum

1996 : 9, St-Augustin

1999 : Le réel du mégaphone

2006 : À force de rêves

2012 : Le Nord au cœur

 

1 Serge Giguère, « Carte blanche à Serge Giguère », 24 images, no 151, mars-avril 2011, p. 14.

2 « Dossier Serge Giguère », dossier dirigé par Robert Daudelin et Marie-Claude Loiselle, 24 images, no 151, mars-avril 2011, p. 4-33.

3 Pendant plus d’une dizaine d’années, Serge Giguère fait équipe avec Robert Tremblay, avec qui il fonde Les films d’aventures sociales du Québec en 1974.

4 Robert Daudelin, « Le cinéma d’un héritier », op. cit., p. 7.

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