DOMO ARIGATO, MR ROBOTO

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5 février 2020

DOMO ARIGATO, MR ROBOTO

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5 février 2020

CHRONIQUE

DOMO ARIGATO, MR ROBOTO

Rédaction : André Gauthier
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FÉVRIER 2020

Le Japon, c’est connu, est un univers à part et ne fait jamais rien comme les autres. Avec ses obsessions parfois bizarres, ce pays avant-gardiste et très conservateur est un grand producteur de nouvelles technologies et de nouvelles modes. D’ailleurs, c’est là qu’est né le tout premier lecteur de disque compact. Du même coup, les premiers disques compacts y ont fait leur apparition il y a bientôt 50 ans. Dans un marché mondial qui a assisté à la hausse des abonnements aux services en ligne et des services de lecture en continu, et ce, au détriment du produit physique, le Japon fait bande à part avec plus de 70 % des ventes de musique provenant des disques compacts. Le pays du soleil levant cause ainsi la surprise dans l’industrie musicale à l’échelle mondiale. Pour un pays qui a l’habitude d’être à des années-lumière en avance et de plonger tête première dans les nouvelles technologies, cette obsession pour les disques compacts est totalement inattendue. Mais l’est-elle vraiment?

Fabriqué au Japon

Deux raisons principales semblent expliquer ce phénomène presque surnaturel. Selon le prestigieux New York Times, l’une des raisons serait le « climat protectionniste du marché local ». Selon les chiffres de la RIAJ (Recording Industry Association of Japan), plus de 90 millions de CD ont été commercialisés et distribués dans les quelque 5000 magasins de disques au pays en 2018. Ce qui est frappant, c’est la part des artistes locaux qui frôle les 90 %, contre 10 % seulement pour les artistes internationaux.

Autre tendance encore populaire et propre au pays ; la location de CD. Dans les années 1980, le gouvernement a fixé une taxe sur chaque album loué afin de contrer les copies domestiques. De plus, l’instauration d’un prix minimum légal (environ 30,00 $ CA par CD) augmenterait considérablement les revenus générés par les ventes de disques compacts.

Des tonnes de copies

Le mystère peut s’expliquer aussi, en grande partie, par la passion démesurée du peuple nippon pour ses idoles. Les Japonais entretiennent aussi un culte du collectionneur, ce qui aiderait grandement la vente de disques compacts.

Plusieurs chaînes de magasins, notamment Tower Records Japan avec plus de 70 magasins à travers le Japon et tout près de 400 employés à temps plein (et les artistes eux-mêmes) ont instauré des campagnes promotionnelles de grande envergure. On propose souvent des éditions limitées, des disques compacts spécialement sélectionnés qui incluent des photos du groupe ou des billets de spectacle insérés aléatoirement avec les CD. Le groupe AKB48 en est un bon exemple avec ses 85 chanteuses interchangeables. Ça permet aux membres d’avoir leur propre album en une multitude de versions différentes. De cette façon, les maisons de disques peuvent exploiter au maximum le star-système japonais.

Les rééditions des titres marquants des années 70 et 80, l’ajout de pièces additionnelles seulement disponibles sur les copies japonaises ou des sorties exclusives seraient aussi des incitatifs populaires. Les plus grands fanatiques de groupes locaux- comme la J-Pop – n’hésitent pas à se procurer dix fois le même disque pour obtenir tous les bonus.

Retour vers le futur

Le Japon -qui représente le 2e marché mondial de la musique après les États-Unis- a vu ses revenus décliner de 3 % lors des deux dernières années. Bizarrement, c’est encore la vente totale de disques compacts qui génère le plus de revenues avec près de 80 %. En revanche, la vente reliée aux services en ligne ainsi qu’aux téléchargements se partagent 20 % des recettes.

Il faut dire que la percée des plateformes numériques telles que Spotify et Apple Music se fait très lentement et met un certain temps à prendre racine à travers le pays. D’ailleurs, la société anglo-suédoise Spotify a dû négocier pendant plusieurs années avant d’obtenir les droits d’accès aux catalogues japonais et pouvoir offrir ses services dans l’archipel. L’attachement émotif envers les artistes pourrait aussi expliquer la résistance des amateurs japonais à se tourner vers les services de musique en continu.

Nul ne peut prédire si l’engouement pour le CD résistera à l’assaut massif des services en ligne au Japon. Une chose reste certaine. Avec un tel pourcentage des revenus appartenant aux ventes de disques compacts et la popularité grandissante des artistes japonais et coréens à l’échelle internationale, il est fort à parier que l’objet chéri des Japonais ne disparaîtra pas de sitôt.

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