Dehors novembre
À l’aube de l’hiver, la fameuse dépression saisonnière bat son plein depuis quelques semaines. Pour certains, le corps s’habitue tranquillement à la grisaille et aux journées pluvieuses. Pour d’autres, elle durera jusqu’au printemps. Même si nous pouvons enfin dire « dehors novembre » et vive la réouverture des salles de spectacles, le milieu artistique souffre depuis plus de 20 mois des répercussions de la situation sanitaire mondiale.
Les artistes se servent régulièrement de leur art pour extérioriser leurs joies et leurs peines, que ce soit en musique, en peinture ou en danse. Par contre, la situation semble de plus en plus précaire depuis 2019. Avec l’arrêt forcé des spectacles et des productions théâtrales, les artistes vont mal. D’ailleurs, le documentaire de la chaîne Radio-Canada La santé mentale : une note à la fois, expose une réalité bien présente : de plus en plus d’artistes d’ici disent être aux prises avec de l’anxiété et de la dépression plus accentuée depuis l’an passé. Plusieurs pièces de théâtre, sorties de films et sorties de disques ont dû être repoussées et même certaines annulées dans les circonstances.
Plusieurs ont depuis manifesté publiquement leur désarroi, tant sur les réseaux sociaux qu’en entrevue à la radio ou à la télé. Laurence Jalbert nous a fait part de sa dépression majeure, Sofia Nolin nous a parlé d’anxiété, alors que même le milieu sportif s’est invité à la table, avec les révélations récentes de certains joueurs de hockey. Plus récemment, la chanteuse Florence K a fait paraître Nueva un livre dans lequel elle parle ouvertement de ses problèmes de santé mentale.
Grâce à l’initiative de Bell Cause pour la cause qui est bien présente depuis plusieurs années et à la fondation Dédé Fortin qui vient en aide aux artistes ayant des problèmes de santé mentale, il y a de plus en plus de ressources disponibles pour ceux et celles aux prises avec des troubles mentaux. D’ailleurs, la fondation a repris du service récemment, lors d’un spectacle-bénéfice qui célébrait le 20e anniversaire de la sortie de l’album des Colocs Dehors novembre, album marquant de la musique québécoise des années 90.
Paru en 1997, l’album est passé à l’histoire pour plusieurs raisons. Grâce à plus de 200 000 albums vendus, le groupe a remporté le Félix de l’album rock au Gala de l’ADISQ de 1998 et celui du groupe de l’année en 1999. Principalement affectée par le décès de Patrick Esposito Di Napoli en 1994, la thématique de la mort est présente tout au long de l’album.
Le Répondeur est un exemple frappant de la solitude que Dédé Fortin ressentait lors de la période d’écriture, une sorte de thermomètre du quotidien du chanteur. Sous fond de musique rythmée aux influences rock et reggae avec une touche de musique du monde, une lecture des textes nous permet de saisir toute la détresse et le désespoir qui s’étaient installés dans l’esprit du fondateur du groupe, André Fortin et ce jusqu’à cette fin tragique en mai 2000.
Pour les artistes, tout l’aspect financier est aussi une cause d’anxiété. Avec l’arrêt obligatoire, plusieurs membres de l’industrie se sont retrouvés sans salaire et surtout dans l’impossibilité de faire le métier dont ils sont passionnés. Il n’y a pas seulement les artistes qui paient le prix, mais aussi les techniciens de scène, éclairagistes et sonorisateurs qui en subissent les répercussions. Malgré tout, plusieurs groupes et chanteurs se sont mis à faire des concerts virtuels pour aider leur situation. Aussi, plusieurs artistes ont profité de ce temps d’arrêt pour sortir des albums ou simplement se remettre à la composition.
Plus récemment, les allégements gouvernementaux ont permis la reprise, bien que progressive, des activités culturelles partout au Canada, avec certaines restrictions bien propres à chaque province, permettant ainsi aux artistes et au public d’entrevoir des jours meilleurs.