De joyeux petits accidents

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Photo : Martin Piché
16 septembre 2020

De joyeux petits accidents

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Photo : Martin Piché
16 septembre 2020
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JÉRÔME GRENIER

De joyeux petits accidents

Rédaction : Étienne Bergeron
Photo : Martin Piché
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ST-CHRISTOPHE-D’ARTHABASKA | SEPTEMBRE 2020

Jérôme Grenier a toujours suivi son instinct. Sculpteur autodidacte, il œuvre au gré de son inspiration, mélangeant les matériaux sans jamais se confiner à un style précis. S’il a d’abord commencé par travailler le bois, il a depuis ajouté l’acier, le cuivre, le fer et le bronze à son attirail, lui permettant de créer des pièces uniques.

À l’ère des produits manufacturés qui est la nôtre, il se démarque sans contredit avec ses bijoux, ses lampes, et ses meubles variés, tous plus originaux les uns que les autres. Récipiendaire de nombreux prix, ses œuvres font aussi partie de plusieurs collections privées, notamment à l’Assemblée nationale. Le secret de son succès ? Le dévouement et la candeur qu’il met dans sa pratique, ainsi que la place qu’il accorde aux rencontres humaines dans sa vie.

Son talent inné, combiné au fait qu’il a bien peu de compétition dans le domaine, lui permet aujourd’hui de vivre de son art et de créer librement. Ce qui l’inspire ? La campagne qui l’entoure. « J’ai besoin de retrouver un stimuli différent de la ville, un stimuli de vision, d’être loin, de voir les nuages arriver de loin. La nature, c’est la beauté. Sur chaque œuvre d’art, il y a la nature, on n’invente rien. Toutes les formes existent déjà dans la nature et on ne fait que les réorganiser autrement. » C’est aussi pourquoi il prône une forme de naïveté enfantine dans son art, laquelle tend à disparaître à mesure qu’il gagne en expérience, mais qu’il tente néanmoins toujours de retrouver. « Le principe, c’est toujours de commencer à travailler comme un enfant, sans trop se poser de question. Mais plus ton métier évolue, plus tu te mets inconsciemment des barrières techniques : tu es tout de suite en mesure de voir les qualités et les défauts de ce que tu fais, tu veux toujours avoir des œuvres qui sont de plus en plus fortes, qui ont une personnalité. Mais souvent, là-dedans, les miracles naissent d’accidents. Comme l’enfant, tu te mets à bouger, tu fais tes affaires, puis tu te rends compte que ce que tu avais prévu est encore plus beau et naturel parce que tu l’as cassé. Il faut apprendre de ces accidents. »

Cette approche artistique fait écho au parcours de Jérôme Grenier, qui ne se destinait pas à la carrière de sculpteur. Cette forme d’art est arrivée dans sa vie sans prévenir, propulsée par un concours de circonstances malheureux dont il a su tirer parti. À trente-neuf ans, après avoir été chanteur et musicien pendant une vingtaine d’années, le camion qui contenait tous ses instruments brûle. À la même époque, il fait face à une peine d’amour. Pour surmonter les épreuves et s’occuper l’esprit, il se lance dans un projet inusité : fabriquer une marionnette géante pour ses enfants qui venaient de naître. Il plonge naïvement dans ce projet, ne sachant pas comment s’y prendre, cumulant les erreurs et les matériaux de piètre qualité, mais c’est justement de ces frustrations qu’est né son acharnement à réussir. Du jour au lendemain, il sculpte sans arrêt, expérimentant les techniques que lui dicte son instinct, ne s’arrêtant que quatre ou cinq heures par jour. Ce dévouement lui permet d’évoluer très rapidement ; en l’espace de quatre mois, il annule les quelques contrats de musique qu’il avait encore pour s’investir à temps plein dans sa nouvelle passion.

Rapidement, il est découvert par le peintre Marcel Fecteau, qui l’introduit au Symposium de Chesterville. En moins d’un an, il en vient à côtoyer de grands peintres figuratifs comme Tex Lecor, Louis Tremblay et Stuart Main, au côté de qui il expose régulièrement. À la même époque, alors qu’il présente ses premiers celliers à Montréal, il fait aussi la rencontre du vigneron Jean-Noël Bousquet, du Château Grand Moulin, lequel lui paie un agent et lui ouvre les portes de l’Europe. « J’ai toujours eu des parrains ou des gens qui croyaient en moi et qui m’ont aidé. J’ai le timing des rencontres ; je suis en mode vibratoire, j’attire les gens vers moi. J’ai envie de les écouter, j’ai envie de leur parler. C’est vraiment l’aventure humaine qui est au cœur de mon travail. Et ça, c’est au delà de toute richesse. C’est plus que ma démarche artistique, c’est ma démarche de vie. Ce sont les gens qu’on rencontre qui font qui nous sommes. Ce que je demande à la vie, c’est toujours d’avoir de nouveaux amis, de faire de nouvelles rencontres, parce que ça, ça me nourrit énormément. » C’est aussi pourquoi il crée de l’art utilitaire et qu’il préfère vendre ses œuvres au Québec : rien n’a plus de valeur pour lui qu’un échange de main à main.

L’année 2011 a marqué un tournant dans la carrière de Jérôme Grenier lorsqu’on l’a invité à prendre part à un groupe d’artistes qui allait créer des œuvres à partir du cuivre de l’ancienne toiture du Château Frontenac, endroit où il crée et expose souvent ses œuvres depuis. « Les hommes qui ont fait le toit du Château Frontenac sont nés à la fin du 19e siècle, c’est-à-dire dans les mêmes années que des artistes comme Suzor-Côté. C’est une histoire qui se passe sur trois siècles. Le fait de pouvoir toucher à ça et de créer des œuvres avec ça, c’est une chance inouïe. Je travaille encore là-dessus. La majorité de mes œuvres ont toujours des petits morceaux verts de ce cuivre magique du Château Frontenac. C’est quelque chose qui vibre beaucoup, à mon avis, au niveau des couleurs et du “vrai” qu’il y a là-dedans. » C’est d’ailleurs cette opportunité qui l’a amené à se lancer dans la création de lampes au cours des dernières années, ce sur quoi il travaille encore ces jours-ci. Car même s’il déborde d’imagination, il admet vouloir respecter un certain rythme commercial et ne pas étourdir les gens. Mais une chose est certaine : il n’est pas près d’arrêter de créer. « J’ai de l’inspiration pour dix, quinze ans d’avance. »

Pour en savoir plus sur Jérôme Grenier, rendez-vous sur sa page Facebook.

Signées Jérôme Grenier

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