Contorsion de l’étrange

gebe
Photo : Martin Piché
14 juin 2020

Contorsion de l’étrange

gebe
Photo : Martin Piché
14 juin 2020

coralie roberge

Contorsion de l’étrange

Rédaction : Léa Villalba
Photo : Martin Piché
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LAVAL | JUIN 2020

Coralie Roberge baigne dès l’enfance dans une famille passionnée par le monde du cirque. Deux ans après avoir reçu son diplôme, la jeune femme a forgé sa signature artistique, faite de créatures et de monstres en tout genre, incarnés dans son art de la contorsion. Malgré le futur incertain imposé par la pandémie de COVID-19, l’artiste lavaloise garde espoir pour amener le cirque auprès du plus grand nombre.

 

Parle-moi un peu de ton parcours…

Tout part de mes parents. Ils adorent le Cirque du Soleil et m’ont inscrit à l’École nationale de cirque de Montréal pour prendre des cours récréatifs quand j’avais 9 ans. C’était seulement une ou deux heures par semaine. J’aimais ça, mais j’avais du mal à trouver la discipline qui me correspondait vraiment. J’ai eu un déclic en voyant un numéro de contorsion. À 10 ans, j’ai commencé à apprendre, de façon autodidacte. Je m’entraînais dans mon salon, ou dans ma chambre.

Qu’est-ce que tu aimes dans cet art ?

C’est une discipline peu risquée. La contorsion est l’un des arts les plus safe même si ça ne l’est pas à 100 % (rires) ! Il n’y a pas d’impacts sur le corps contrairement à la gymnastique au sol ou au trampoline par exemple. Le risque de chute est aussi bien plus important pour les disciplines aériennes (trapèze, tissus, mat chinois…). En contorsion, les risques sont plus dans l’étirement. Puis, j’aime aussi le fait qu’il n’y ait pas besoin d’équipement. Dès que j’ai commencé, j’ai réussi à mettre ma tête sous mes fesses en à peine six mois alors ça m’a motivé à continuer.

As-tu suivi une formation dans une école de cirque ?

Quand je suis arrivée au secondaire, on m’a proposé d’aller à l’École nationale de cirque, mais je n’y suis pas restée longtemps. C’était pas un bon match. C’est sûr que je trouvais ça dommage parce que c’est une école importante qui forme des artistes de haut niveau. Mais j’ai continué à faire de la contorsion, avec une coach de mes 14 ans à mes 18 ans. J’ai tenté des auditions dans les écoles de cirque ensuite, mais j’ai été refusée. Ça a été une grosse remise en question…

Qu’as-tu fait par la suite ?

Mon père voulait que j’aille au cégep. Alors pendant un an, j’ai jonglé entre le cirque et des études en cinéma et communication. Je me suis beaucoup amusée dans ce programme, ça m’a donné le goût de faire des collaborations entre le cirque, la vidéo, la photo… Mais je ne l’ai pas terminé parce que j’ai finalement été prise à l’École de cirque de Québec pour faire un DEC en arts du cirque !

À quoi ressemblait ta vie après le diplôme ?

J’ai terminé le programme en 2018 puis en sortant, j’ai stressé ma vie. Je n’étais pas capable de décrocher beaucoup de contrats. Si le monde du cirque te connaît pas, c’est difficile. Puis en contorsion, c’est compliqué aussi. Il existe une espèce de cliché avec la fille toute cute sur une table et moi, je ne cadre pas dans cette catégorie. J’ai dû apprendre comment faire pour devenir plus accessible.

Finalement, as-tu trouvé des contrats ?

Oui, l’année dernière, j’ai travaillé dans des parcs d’attractions de juin à octobre. On faisait trois à quatre shows chaque jour. L’équipe me faisait confiance, et ça, c’est hyper important quand on débute. On devait le refaire cette année, mais avec la pandémie, tout a été annulé. Je suis extrêmement déçue.

J’ai aussi eu des contrats grâce au bouche-à-oreille. J’ai fait de la contorsion dans des fêtes de quartiers, des soirées privées, des clubs… et quelques contrats d’événementiel aussi.

À côté de tout ça, je travaille aussi dans un club de trampoline comme animatrice, coach et je donne des cours de cirque.

À quoi ressemble ta routine corporelle, ton entraînement ?

Ça dépend des circonstances. En ce moment, j’ai du temps donc je m’entraîne presque six heures par jour. Je profite de ce moment de pause pour prendre soin de moi et de mon corps. Dans les parcs d’attractions, j’arrivais à m’entraîner environ 45 minutes par show. Dans la journée, je faisais environ 2 h 45 à 3 h de contorsion. Je n’allais pas plus loin pour éviter les blessures.

Comment décrirais-tu ton univers ?

J’aime beaucoup le côté dark, un peu bizarre, freakshow. J’ai un gros trip post-apocalyptique. C’est un peu ma signature, ma fierté. L’année passée, j’ai participé à un spectacle à saveur Mad Max. J’ai vraiment réalisé un rêve.

De quoi t’inspires-tu pour créer tes personnages et tes numéros ?

Je m’inspire vraiment de mon quotidien et des expériences que je vis. Une musique ou une image peuvent aussi être des éléments déclencheurs, me donner des indications sur des façons de bouger. Le côté sombre de l’être humain m’inspire beaucoup, ainsi que les créatures. En ce moment, je suis en train de créer mon 3e monstre.

À quoi ressemblent tes monstres ?

J’ai réalisé que les mondes que je crée peuvent être associés à des maladies mentales. Mon premier monstre est une poupée en porcelaine brisée qui a peur de l’abandon. Le deuxième est bipolaire, c’est un monstre à double qui me fait penser à Dr Jekyll et M. Hide. Celui que je travaille en ce moment, c’est un peu plus nébuleux. C’est quelque chose qui m’habite depuis très longtemps. J’ai envie de créer une image forte qui puisse parler aux gens. C’est un monstre à face d’horloge qui a quatre talons hauts sur les pieds et les mains.

Comment vois-tu la suite des choses dans un monde post-COVID-19 ? Penses-tu refaire des auditions, travailler pour des compagnies ou créer par toi-même ?

Honnêtement, un peu toutes ces réponses (rires) ! La pandémie est vraiment destructrice pour le monde des arts. Mais d’un côté, ça nous donne le temps de nous questionner : c’est quoi nos valeurs en tant qu’artiste et en tant qu’humain ? Pourquoi on continue de faire de l’art ?

Dernièrement, je me suis rendu compte que les gens qui pensent au cirque voient directement les grandes compagnies. C’est dommage parce qu’il y a plein de micros compagnies, de collectifs, de travailleurs indépendants au Québec et partout dans le monde. C’est un univers vaste. J’ai envie de faire rayonner l’art plus local, à proximité des gens, dans un quartier par exemple. J’aimerais trouver une façon de rendre accessible le cirque au plus grand nombre et pas seulement dans les grandes villes.

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